Éditorial/Editorial

France Henri

VOL. 13, No. 2, i-iii

Grâce aux technologies, nous pouvons actuellement développer pour la formation à distance des univers virtuels d’une richesse fabuleuse, où l’information, illimitée, est en accès direct et permanent. Nous possédons les outils pour créer des environnements meublés de lieux intangibles où des communautés d’apprenants vivent, interagissent, s’organisent et travaillent dans la transcendance quasi totale des contraintes spatiales et temporelles. Avec l’usage des technologies, un changement important de paradigme se faufile; il nous propose de prendre le "virage apprenant", de nous centrer sur les besoins de celui-ci, de miser sur l’apprentissage autonome et sur des démarches autogérées, adaptables à différents profils. Le modèle conventionnel de la formation à distance, qui limite l’apprentissage à l’assimilation des informations contenues dans le matériel pédagogique, en est ébranlé. Désormais, apprendre est surtout question de navigation, de recherche d’informations, d’interaction entre les apprenants et de construction des connaissances. La tradition scolaire, centrée sur la transmission d’un corpus de connaissances structuré en niveaux de difficulté et de conceptualisation correspondant aux cycles d’études, s’en trouve secouée. Désormais tous les apprenants, de tous les niveaux et de tous les cycles, travaillent avec les mêmes sources d’information. Ce qui les distinguent, ce sont le traitement et l’usage qu’ils font de l’information, c’est l’apprentissage qui en résulte.

Ce changement est-il véritablement nouveau? L’école ouverte, décloisonnée, que l’on a expérimentée dans les années 70, ne proposait-elle pas un fonctionnement similaire? Les élèves accédaient à des "espaces ressources", selon une grille horaire souple, pour consulter de l’information et pour apprendre en réalisant des travaux individuels et d’équipe. Ils étaient accompagnés par un enseignant dont le rôle principal n’était pas de transmettre des connaissances mais de faciliter et de soutenir l’apprentissage. L’école ouverte n’a pas connu le succès escompté par ses promoteurs. Elle causait d’énormes problèmes matériels et logistiques, mais surtout, elle bousculait le modèle de l’école. Souhaite-t-on, aujourd’hui, faire renaître l’école ouverte? Les technologies nous le permettent.

Si nous désirons implanter des environnements d’apprentissage ouverts, il reste encore un long travail à faire. L’entreprise n’est pas mince. Elle repose sur une volonté profonde et sincère de s’approprier les nouvelles valeurs éducatives reliées au "virage apprenant"; elle commande la maîtrise de nouvelles méthodes adaptées à la conception d’environnements virtuels; elle requiert l’acquisition d’un savoir-faire technologique pour les réaliser. En outre, si nous prétendons que notre préoccupation première est l’apprenant, il nous faut le préparer, lui, à évoluer dans ces univers où l’information surabonde sans être toujours fiable et de qualité. Il nous faut l’aider à développer un sens critique pour juger de la qualité et de la pertinence de l’information. Il nous faut également nous intéresser à sa capacité de traiter l’information et de se l’approprier, c’est-à-dire à sa capacité d’apprendre. Enfin, si le développement du sens critique est un incontournable pour l’apprenant, il l’est également pour nous, concepteurs d’environnements de télé-apprentissage. Nous devons aborder avec prudence le discours pro-technologique. Nous devons développer notre sens critique face aux technologies en mettant de l’avant la réflexion, le débat et l’analyse de la nouvelle pédagogie. Nous devons nous assurer que les bienfaits prônés dans le discours sur les technologies sont bel et bien réalisables concrètement. C’est par un questionnement incessant et des vérifications empiriques continues que nous pourrons aiguiser ce sens critique et mesurer le gain réel que procure l’usage des technologies. Nous espérons que vous trouverez, dans ce numéro, des éléments pour alimenter la réflexion critique qui s’impose.

The advent of new technologies now makes it possible for distance education to develop virtual worlds of untold richness where limitless information is permanently accessible online. We have the tools to create environments made up of intangible spaces wherein living, interacting communities of learners organize themselves and work in a manner that very nearly transcends the constraints of both time and space. Through the use of technology an important paradigm shift is occurring. This presents us with the possibility of a “learning shift,” which encourages us to focus on the needs of individual learners and to build on learner autonomy and self-determined processes adapted to various learners’ profiles. Traditional models of distance education, which limit learning to the assimilation of information found in the instructional material, are being seriously challenged. Learning, henceforth, becomes mostly a matter of navigating, of seeking information, of interacting with other learners, and thus of building knowledge. Traditional schooling, focused as it is on the transmission of a body of knowledge structured into levels of conceptualization and of difficulty, is being shaken up. From here on all learners, whatever their level of knowledge or schooling, are accessing identical sources of information. What distinguishes learners is their own processing of such information and the use they put it to, and hence the learning that occurs.

Is this change indeed so novel? Did not open schooling and destreaming, the watchwords of education in the 1970s, propose similar procedures? Students were to have access to “resource spaces,” on flexible schedules, in order to access information and learn through carrying out individual and team projects. They were to be supervised by a teacher whose main role was not to transmit knowledge, but rather to facilitate and assist the learning process. Open schooling did not meet with the success anticipated by its proponents. Not only did it involve huge material and logistical problems, it rocked the then current model of schooling. Do we wish for the rebirth of open schooling? Today’s technologies certainly afford us the means of bringing it about.

If we are determined to implement open learning environments, we have our work cut out for us; this will be no modest undertaking. It will call for a sincere and abiding will to adopt new learning values, those connected with a new organization of learning, and make them fully our own; it will require of us that we learn new methods better suited to the design of virtual environments, and that we acquire the technical know-how to translate these designs into reality. In addition, if our contention is that our foremost preoccupation is the learners, they will need to be adequately prepared for navigation in a universe where information is overabundant and where its reliability and relevance cannot be presumed. Learners must be helped to exercise critical thinking, that they may themselves judge the reliability and relevance of information. We must inquire into learners’ ability to process information and make it their own, in other words, their ability to learn. Last, not only is the development of critical thinking essential for students, it is essential for those of us designing such distance learning environments. We would be wise to exercise caution regarding pro-technological discourse and to exercise our own critical judgment through reflection, debate, and analysis of the new technological pedagogy. We must make sure that the benefits promised by its proponents can in fact be attained. Choosing the path of persistent questioning and of constant empirical testing will bolster critical thinking and let us take accurate measure of the true gains afforded by the use of technology. We trust that the current issue will provide you with elements that may feed the necessary process of critical thinking in this area.

ISSN: 0830-0445