La planification stratégique de la formation à distance à l'ère de la téléinformatique |
Denis Haché
VOL. 11, No. 2, 23-43
Teleinformatics in distance education poses a great challenge to secondary and tertiary educational institutions. The speed at which this technology is evolving and the need for new and appropriate pedagogical strategies is reshaping distance education into a new system of knowledge transmission. The arrival of the electronic highway, the creation of a world-wide classroom, and-in the near future-a world-wide university and library are only a few of the manifestations of the accelerated evolution of teleinformatics in education (Knight, 1995; Rossman, 1992). The technology's capacity to meet expectations rapidly and in a flexible manner has brought about new demands for service from non-traditional users while at the same time broadening the array of choices for the traditional clientele. This flexibility in reacting to ever-changing and varied demands requires an organization that is capable of responding to the evolution of internal and external environments. Inclusion of technology in education and its use to support study programs has created a new paradigm : planning that is orderly and pro-active and that supports and preserves the establishment's mission while allowing the system to evolve in accord with the changes. To make it possible, we propose a model of strategic planning that is adapted to the particular needs of distance education in a pro-active and technological environment.
L'avènement de la téléinformatique en formation à distance pose un défi de taille aux établissements d'enseignement secondaire et tertiaire qui utilisent ce réseau de communication. La rapidité avec laquelle évolue cette technologie et la nécessité de nouvelles stratégies pédagogiques appropriées sont en train de moduler la formation à distance en un système original de transmission de la connaissance. L'arrivée de l'autoroute électronique, de la salle de classe et, dans un avenir proche, d'une université et d'une bibliothèque mondialisées ne sont que quelques manifestations de cette évolution accélérée de la téléinformatique en éducation (Knight, 1995; Rossman, 1992). La capacité de ce système à répondre rapidement et de manière souple aux attentes a fait naître de nouvelles exigences de service de la part d'usagers non traditionnels, tout en élargissant l'éventail des choix pour la clientèle traditionnelle. Cette flexibilité de réaction du système aux demandes toujours changeantes et variées exige une organisation capable de réagir à l'évolution des environnements interne et externe. L'inclusion de la technologie en éducation et son utilisation à l'appui des programmes d'études fait naître un nouveau paradigme, celui d'une planification ordonnée et proactive qui puisse favoriser et préserver la mission de l'institution, tout en permettant au système d'évoluer en accord avec les changements. Pour ce faire, on propose un modèle de planification stratégique adapté aux particularités de la formation à distance dans un environnement techno-prévisionnel.
La technologie de la téléinformatique favorise une formation à distance qui ne peut plus être perçue comme un simple ajout aux systèmes traditionnels d’éducation, mais plutôt comme un nouveau mode de transmission de la connaissance humaine accessible pour toute la collectivité mondiale (Rossman, 1992). La rapidité avec laquelle évolue cette technologie et l’adoption de nouvelles stratégies pédagogiques appropriées à cette innovation requièrent une planification prédictive et proactive (Henri et Kaye, 1985), que l’on soit acquis ou non au déterminisme technologique et à la planification stratégique. Une vision claire de ce que peut accomplir ce réseau est importante pour implanter un leadership efficace en formation à distance (Knox, 1993; Murgatroyd et Woudstra, 1990). En vue de répondre aux demandes toujours changeantes et variées d’une clientèle, une organisation est requise qui puisse réagir aux changements des environnements interne et externe, tout en préservant l’intégrité de la mission de l’institution. Cette exigence suppose aussi le respect des valeurs et des acquis de tous les intervenants, c’est-à-dire les professeurs, les administrateurs, les étudiants, et même d’autres personnes directement engagées dans l’éducation ou qui s’y intéressent. Cette extension de la pratique institutionnelle couvre donc également la qualité des cours et des services, ainsi que le résultat des apprentissages. L’étude des particularités et des caractéristiques de la formation à distance dans un contexte techno-prévisionnel devient d’autant plus urgente.
L’auteur n’a nullement la prétention de faire le procès de cette nouvelle technologie éducative et d’analyser son impact sur la société en général mais fait tout simplement le constat d’un phénomène puissant et pratiquement irréversible. Les avatars de cette nouvelle technologie sont d’un tout autre ordre d’idée.
C’est à partir de ce constat que nous traitons de la planification stratégique de la formation à distance. Nous abordons d’abord le sujet par un aperçu de la formation à distance sous un angle institutionnel et systémique. Dans un tel contexte, la recherche de l’excellence et de l’efficacité exige, en plus d’un leadership institutionnel englobant, une planification proactive et stratégique. Dans le cadre général du processus de la planification stratégique, nous présentons un modèle adapté aux caractéristiques et aux particularités de la formation à distance. Ce modèle s’inspire de ceux utilisés en éducation. Nous passons ensuite en revue les différentes étapes de ce processus, en y situant les exigences et les difficultés associées à son élaboration et à sa mise en oeuvre.
La formation à distance analysée dans son contexte institutionnel et social présuppose l’étude de la structure organisationnelle du réseau à distance (Mark, 1990). Or la plupart des réseaux existant dans le monde présentent des particularités et des caractéristiques propres qui les distinguent les uns des autres. Cette variété de structures organisationnelles vient du fait que la formation à distance répond aux besoins diversifiés des clientèles et des sociétés. Les réseaux à distance, à quelques exceptions près, sont tributaires d’une institution mère, université, collège, conseil scolaire, ou émanent d’un consortium d’institutions, qui peuvent se regrouper en trois catégories principales. La première est le réseau de la formation à distance qui offre la technologie et les moyens de communication à un consortium d’institutions éducatives sans toutefois exercer de contrôle ou de droit de regard sur le contenu des programmes et des cours offerts par les institutions participantes. C’est le cas du réseau ontarien Contact Nord. Dans la deuxième catégorie, on retrouve les institutions éducatives qui possèdent et administrent elles-mêmes leur propre réseau de formation à distance, en extension des programmes sur place et qui émettent les diplômes correspondants. La troisième catégorie regroupe des institutions spécifiquement mandatées pour offrir des programmes et des cours exclusivement à distance. La Télé Université québécoise et l’Athabasca University, le Collège de l’Acadie au Canada ainsi que l’Open University en Grande-Bretagne en sont des exemples. Il existe enfin des structures mixtes, issues d’éléments des trois principales catégories que nous venons de décrire (Apps, 1989; Keegan, 1990; Knox, 1993; Mark, 1990). Il reste que, quelle que soit la structure en place, le réseau à distance entre souvent en concurrence avec les autres programmes des institutions traditionnelles, ou même avec ceux de l’institution-mère, quant à l’obtention des ressources nécessaires et à la reconnaissance des diplômes octroyés.
Les progrès techniques des dernières années ont occasionné une nouvelle façon d’offrir la formation à distance qui déplace le monopole des institutions postsecondaires traditionnelles en formation à distance. En effet, la téléinformatique favorise l’entrée de nouveaux partenaires, commerciaux cette fois, sur la scène de la formation à distance qui vont même jusqu’à menacer ce monopole des institutions traditionnelles (Jennings, 1995). L’intrusion technologique et les changements sociaux provoqués par la globalisation ont mis en évidence le potentiel de la formation à distance et remis en question l’efficacité et même la validité de certains modes traditionnels de transmission de la connaissance (Duning, Van Kekerix et Zaborowski, 1993; Verduin et Clark, 1991).
Cette situation interpelle les institutions traditionnelles oeuvrant en formation à distance puisque les nouvelles technologies la transforment en une pratique avant-gardiste ayant des caractéristiques propres et distinctes. Avec la prolifération, la diversification et la diminution des coûts, grâce aux technologies interactives, la formation à distance pourrait façonner son infrastructure propre pour devenir le réseau éducatif émergent du XXI e siècle (Chute, Balthazar et Poston, 1988; Romiszowski, 1990). Un tel changement ne sera pas sans générer une résistance au sein du monde de l’éducation (Murgatroyd et Woudstra, 1990), car les innovations vont redéfinir le rôle des professionnels de l’éducation connue et la mission des institutions éducatives traditionnelles (Rossman, 1992; Thompson, Simonson et Hargrave, 1996). Ces dernières ont déjà démontré une lenteur à évoluer avant de s’adapter à la téléinformatique (Jennings, 1995; Taylor, 1994).
Bref, il y a un nouveau paradigme (Apps, 1994; Keane, 1985) qui démontre, sans équivoque, la nécessité d’une approche stratégique, à savoir :
L’émergence de ce nouvel environnement rend la formation à distance attrayante comme solution aux problèmes du prochain millénaire et comme itinéraire pour les tentatives de réformes actuelles qui recherchent l’efficacité et l’excellence. Aussi, nombre de recherches et d’évaluations confirment que les programmes de formation à distance bien planifiés peuvent être aussi efficaces, sinon plus, que l’approche traditionnelle du face-à-face, à un coût souvent moins élevé (Braun, 1990; Duning, Van Kekerix et Zaborowski, 1993; Henri et Kaye, 1985; Keegan, 1990; Knox, 1993; Rowntree, 1994; Thompson, Simonson et Hargrave, 1996). Par contre, Rumble (1993) et Perraton (1982) affirment que certains modes de livraison de la formation à distance peuvent être plus coûteux que l’approche traditionnelle.
Dans le cadre des réformes éducatives, la téléinformatique est identifiée comme une composante importante de l’enseignement et de l’apprentissage. Il devient alors important de planifier stratégiquement afin d’assurer l’introduction et l’utilisation de la technologie comme soutien à l’enseignement et à l’apprentissage et non l’inverse (Cradler, 1996; Jennings, 1995; Means et al., 1993). Aussi les institutions de formation à distance doivent considérer, de manière primordiale, les facteurs de rentabilité économique lors des choix pédagogiques (Henri et Kaye, 1985). Dans un tel contexte, cela exige une restructuration des institutions traditionnelles face à la formation à distance, puis une évolution soutenue sur une longue période de temps (Taylor, 1994). C’est pourquoi la planification stratégique peut devenir la modalité désignée pour la mise en oeuvre de changements importants au sein des institutions éducationnelles de formation à distance (Duning, Van Kekerix et Zaborowski, 1993, Simerly and Associates, 1987). Cela est d’autant plus vrai que la formation à distance représente en soi une complexité organisationnelle d’un type nouveau qui exige une planification systématique, à savoir :
Le modèle organisationnel prévoit généralement le déploiement d’une imposante logistique pour orchestrer les opérations de conception et de production, la programmation des cours, l’expédition du matériel pédagogique, la diffusion des documents audiovisuels (sur antenne ou par d’autres moyens) et l’encadrement des étudiants. L’ordonnancement de ces opérations à la fois nombreuses et complexes doit nécessairement être soumis à une planification systématique et à une gestion rigoureuse afin d’atteindre un maximum d’efficience et d’efficacité. (Henri et Kaye, 1985, p. 17)
Pour Mintzberg (1994), la planification stratégique n’est pas la solu-tion miracle puisque les échecs des dernières décennies ont mis en évi-dence les pièges et les failles. Ayant été un adepte de la planification stratégique pendant nombre d’années, il considère qu’il est nécessaire de reconceptualiser la planification stratégique en un pratique qu’il appelle la « programmation stratégique ». Ce qui signifie que l’organisation impli-que un grand nombre de personnes vers une pensée stratégique plutôt que d’y impliquer quelques spécialistes en planification stratégique. Il est donc nécessaire, dans son application, d’essayer « d’assouplir le processus de formation de la stratégie plutôt que d’essayer de rigidifier ce processus par une formalisation arbitraire » (p. 414).
La planification stratégique s’appuie sur une théorie et une préparation de l’avenir distinctes de la planification à long terme (McCune, 1986). Cette approche repose sur la croyance que l’avenir peut être influencé et façonné par des actions présentes, au lieu de prendre pour acquis que les tendances actuelles vont linéairement se prolonger dans le futur (Kaufman et Herman, 1991). Une organisation qui planifie stratégiquement ne se prépare donc pas pour l’avenir mais le prépare. Cet avenir n’étant jamais un fait accompli, peut être non seulement anticipé mais aussi façonné selon les orientations des individus et de l’organisation. Les actions présentes deviennent garantes du devenir que l’on veut implanter et sont accomplies en fonction de la perception du futur, grâce aux moyens que l’organisation se donne pour sa réalisation. Selon une telle optique, la planification stratégique consiste en l’ensemble des moyens qu’une organisation utilise pour se recréer constamment afin de réaliser un dessein voulu. En conséquence, la planification stratégique ne se définit pas selon une méthodologie, un processus ou un système, mais d’abord en fonction du contexte dont sont tirés les plans d’action (Cook, 1990). Elle peut enfin être considérée comme un effort concerté pour arriver à un ensemble de décisions et d’actions qui façonnent et guident ce qu’une organisation est, ce qu’elle fait et pourquoi elle le fait (Bean, 1993). Par son approche orientée vers le devenir, elle met l’accent sur les implications futures des décisions présentes.
Le processus requiert une vision claire du dessein et de l’avenir de l’organisation, l’élaboration d’une mission jalonnée d’objectifs correspon-dants, la cueillette extensive de données, l’analyse et le diagnostic des environnements interne et externe, le relevé des alternatives, l’élaboration de stratégies et de plans d’action ainsi que l’évaluation et le contrôle de la mise en oeuvre. Ainsi, le processus permet d’accommoder les intérêts et les valeurs divergentes par la participation des différents dépositaires d’enjeux en vue d’en arriver à un consensus et à une prise de décision efficace (Bryson, 1990). C’est ainsi que fonctionnant en un système ouvert, un réseau à distance est considéré comme une organisation dynamique et en évolution constante qui intègre et digère l’information d’un environnement lui même externe et en perpétuel changement. De son côté, l’analyse de l’environnement interne du réseau permet de poser un diagnostic sur les forces et faiblesses de l’organisation tandis que l’analyse de l’environne-ment externe porte le diagnostic sur l’ampleur des menaces et des oppor-tunités qui s’y trouvent. Cette osmose entre l’organisation et son environ-nement aboutit souvent à l’élaboration d’un nouveau paradigme, c’est-à-dire à la métamorphose de l’organisation et à la détermination même de son futur (Cook, 1990). Cette transformation radicale et profonde se traduit par l’insertion des changements qui se reflètent dans la structure organisationnelle, par la répartition des ressources requises aux divers pa-liers de l’institution, ainsi que par l’élaboration de programmes pertinents et de cours évoluant selon les besoins identifiés.
Dans ce cadre, le leadership suppose une vision et une compréhension profondes des mutations et des tendances sociales ainsi qu’une familiarité avec les dynamiques du monde de l’éducation. Le leadership à exercer en cours de planification stratégique requiert un consensus de la part d’une multitude de dépositaires d’enjeux qui, au départ, ne partagent pas nécessairement les mêmes valeurs, les mêmes aspirations ni les mêmes attentes. Leur participation au processus exige aussi un engagement soutenu de leur part pour un temps prolongé. Ces derniers sont aussi appelés à partager des responsabilités, à participer aux décisions et à exercer leur part de leadership lors de l’exercice de planification (Apps, 1994).
Un leadership particulier est donc nécessaire pour favoriser les changements générés par la planification stratégique et assurer la ténacité et la persévérance nécessaires en vue des résultats. L’attente peut durer quelque temps avant que des résultats définitifs soient acquis et avant qu’on puisse vivre un nouveau climat organisationnel au sein de l’institution. L’institutionnalisation du processus complet requiert donc détermination et constance de la part de l’administration ainsi que le soutien de la part du personnel tout entier. La planification devient une partie intégrale du leadership institutionnel et du climat organisationnel (Murgatroyd et Woudstra, 1990). Ce phénomène institutionnel est fort bien illustré par Simerly and Associates (1987) :
Today’s successful continuing education leader is a behavioral scientist who continually looks for new and effective ways to study the health and productivity of the organization. This, in turn, leads to appropriate action steps for achieving organizational goals. Thus strategic planning becomes an integral part of our never ending struggle to find newer and more effective ways to strengthen leadership. (p. 11)
Figure 1. Modèle systémique de planification stratégique de l’éducation à distance hache1.jpg
Il existe présentement une multitude de modèles de planification stratégique qui s’appliquent autant au monde des affaires (Bean, 1993; Goodstein, Nolan et Pfeiffer, 1992; Jauch et Glueck, 1988; Porter, 1982; Rowe, Mason, Dickel et Snyder, 1989), aux organisations publiques, parapubliques et aux organismes à but non lucratif (Bryson, 1990; Burkhart et Reuss, 1993; United Way of America, 1988) et à l’éducation (Cafferella, 1994; Candoli, 1991; Cook, 1990; Kaufman, 1991; McCune, 1986; Simerly and Associates, 1987; Valentine, 1991). La plupart des modèles adaptés à l’éducation sont beaucoup plus flexibles et plus démocratiques que ceux du monde corporatif. Le choix du modèle est moins important que l’engagement et la conviction des responsables du projet et que l’acceptation sincère de la planification stratégique dans les activités quotidiennes de l’institution. Pour les besoins de notre analyse, nous nous servons du modèle à la Figure 1, adapté spécialement aux caractéristiques et aux particularités de la formation à distance à partir des modèles utilisés en éducation. Le schéma présente une approche non linéaire qui illustre l’interaction et la dynamique entre les différentes composantes et les centres décisionnels. Ce modèle présuppose cinq composantes principales : (1) l’étape préparatoire à la planification, (2) la cueillette des données, l’analyse et le diagnostic systémique, (3) le choix stratégique, (4) la mise en oeuvre et (5) l’évaluation puis le contrôle de la mise en oeuvre.
Le modèle sera appliqué différemment selon les différentes structures organisationnelles des institutions d’éducation à distance auxquelles nous avons fait allusion précédemment.
Le processus de planification stratégique proposé débute par une période d’exploration et de discussions interinstitutionnelles sur la validité et le bien-fondé de l’exercice. L’initiative est souvent celle du leader qui possède une image ou une vision de ce que devrait être ou de ce que pourrait être l’organisation qu’il dirige. Cette vision, quoique exprimée en termes non mesurables, sert de balise à l’organisation. Il faut toutefois qu’elle soit partagée au départ par les membres de l’organisation et que tous acceptent d’insérer une nouvelle culture organisationnelle dans la réalité quotidienne. Conséquemment, le processus de planification stratégique requiert un engagement explicite et un calendrier formel de la part du leader, des membres de la direction et des participants afin d’exprimer le consensus autour d’une vision commune et d’une mission institutionnelle.
L’élaboration et l’adhésion à cette vision exigent une perspective de l’avenir et un leadership actif de la part de la personne responsable du réseau, afin de surmonter les résistances et d’aboutir à une vision commune. Cette nouvelle vision implique normalement un net virage, un changement de la culture organisationnelle, une mutation des valeurs, des croyances et des normes; bref, l’adoption d’un nouveau paradigme. Par définition le monde de l’éducation traditionnelle, plus particulièrement au niveau postsecondaire, évolue lentement et tend à préserver le statu quo tandis que l’éducation à distance va à l’inverse de ce courant. Ce changement peut s’avérer difficile pour certains réseaux de formation à distance qui dépendent étroitement d’une institution-mère et qui n’ont pas, par conséquent, l’occasion idéale pour la définition d’une orientation réformatrice à une époque où l’éducation traditionnelle cherche à se redéfinir. Il devient donc très important de jeter les bases d’une collaboration interinstitutionnelle avant d’entamer un processus de planification, ce qui garantira l’appui nécessaire au succès de l’exercice. Cette première étape est à la fois difficile et cruciale puisque l’on demande à l’institution-mère ou aux institutions participantes de se départir de l’approche traditionnelle de planification à long terme et de partager, avec les autres dépositaires d’enjeux, leur autorité et leur pouvoir décisionnel. Il est évident par ailleurs que l’institution à distance qui jouit de sa propre autonomie peut plus facilement mettre en oeuvre un tel processus.
Ce travail préparatoire peut s’étendre sur plusieurs mois, car la décision d’adopter un processus de planification stratégique oriente l’organisation sur une nouvelle trajectoire, vers une nouvelle culture organisationnelle, ainsi que vers un partage de valeurs et de croyances différentes (Goodstein, Nolan et Pfeiffer, 1992). Dans le cadre de la mutation proposée, il faut d’abord introduire le concept de la planification stratégique et expliquer ce que signifie ce processus de planification en termes d’engagements concrets dans l’organisation. L’étape préliminaire consiste donc à analyser les avantages et les inconvénients de l’entreprise, à informer les membres de l’organisation des intentions de la direction et, finalement, à obtenir l’adhésion des membres du personnel au projet. Ce n’est qu’à ce point et au moment où les réticences sont surmontées que l’assentiment et l’engagement du personnel et des dépositaires d’enjeux peuvent être tenus pour acquis. Le terrain est alors prêt pour la mise en action effective de l’exercice de planification stratégique en lui-même. Mais il appert toutefois que cette adhésion n’est pas immuable et que des remises en question auront lieu avec l’évolution de la culture organisationnelle.
La mise sur pied du comité de planification est la première opération formelle du processus en soi. Le choix des participants à ce comité est d’importance déterminante pour la réussite du projet, car ce comité est appelé à jouer un rôle de pivot dès les premiers mois de l’exercice, puis ensuite tout au long du processus. Les membres auront à consacrer beaucoup de leur temps à des séances de travail et de délibération avant d’en arriver à des résultats apparents et à l’implantation de l’action. Le choix des membres du comité est fait à partir d’une liste de bénévoles. La représentativité est importante puisque le comité doit être le reflet de l’organisation, de la communauté et des dépositaires d’enjeux. Ce comité doit donc normalement comprendre des représentants des différents secteurs professionnels et para-professionnels qui oeuvrent en éducation ainsi que des représentants des différents secteurs de la communauté qui ont des intérêts en formation à distance, c’est-à-dire les dépositaires d’enjeux. On verra à recruter également tout autre représentant individuel ou d’organismes communautaires qui s’intéresse à l’éducation ou a un rôle reconnu (Burkhart et Reuss, 1993).
Grâce à sa composition, le comité devient le point de convergence des différentes valeurs, des croyances et des attentes souvent divergentes ou contradictoires de l’organisation, de la collectivité et de la clientèle cible. Le début des travaux est astreignant puisque la première rencontre consiste à clarifier la vision finale et la mission puis à en arriver à un consensus sur les valeurs et croyances qui légitimeront l’ensemble du plan stratégique. En arriver à un consensus sur une vision commune est une tâche exigeante pour le comité de planification. La diversité et la multiplicité des dépositaires d’enjeux qui participent à la première étape de l’exercice le rend encore plus difficile. Le concept de vision d’avenir n’est pas toujours facile à saisir pour les participants, car l’aspect pragmatique de cette première étape n’est pas évident à première vue. Néanmoins, ces valeurs et croyances devront, par la suite, être reflétées dans la planification pédagogique de chacun des programmes et cours offerts par le réseau.
L’une des tâches du comité de planification consiste aussi à définir les valeurs et croyances qui seront favorisées et sur lesquelles sera basé l’énoncé de mission. Les valeurs et croyances de la collectivité et de l’institution sont souvent divergentes ou même contradictoires et touchent pratiquement à tous les secteurs de la vie sociale et des activités éducatives. La discussion sur les valeurs et les croyances est souvent fort animée au sein du groupe, puisque les opinions et les convictions sont souvent bien arrêtées. Le comité doit cependant en arriver à un consensus sur des valeurs et croyances reconnues et acceptées de tous comme étant celles qui seront véhiculées dans le cadre du processus de planification. Ces valeurs et croyances deviennent la base de la culture organisationnelle du réseau de formation à distance.
La mission du réseau de formation à distance est le reflet d’une vision que l’organisation partage, par son personnel, sa collectivité et ses dépositaires d’enjeux. Cette mission doit déterminer l’orientation future par le pointage de manière claire et concise de la raison d’être de l’institution, de la clientèle et de sa contribution à la société. Bref, il s’agit de la justification sociale de son existence même. L’articulation de la mission et la clarification de la raison d’être réduisent les risques de conflits et servent de balises aux dépositaires d’enjeux et aux membres de l’organisation (Bryson, 1990). L’énoncé de mission, tout en étant la concrétisation de cette vision partagée, est la base à partir de laquelle seront élaborés les stratégies et les plans d’action.
Selon Kotler et Fox (1985), l’énoncé de mission de l’institution doit tenir compte de cinq éléments de base. Premièrement, l’historique doit se refléter dans l’énoncé, car l’institution ne peut faire abstraction de son passé et de ses réalisations. Deuxièmement, l’institution doit tenir compte de la clientèle qu’elle doit desservir ainsi que des dépositaires d’enjeux de la collectivité. Troisièmement, l’institution doit être sensible au contexte changeant dans lequel elle évolue afin de pouvoir mieux répondre aux besoins évolutifs de la clientèle. Quatrièmement, l’énoncé de mission doit être viable, réalisable et motivant. Pour ce faire, il faut que la mission corresponde aux ressources disponibles de l’institution sans lesquelles la mission devient impossible. Et en dernier lieu, l’institution doit concentrer ses énergies sur ce qu’elle accomplit de mieux, sur ses compétences distinctives et particulières.
L’utilisation de facilitateurs, internes et externes, spécialement préparés en planification stratégique, facilite la tâche et augmente les chances de succès du projet. Des firmes de consultants spécialisés offrent ce service et se chargent de former des facilitateurs qui jouent un rôle actif tout au long de la mise en oeuvre du projet. En particulier, le rôle du facilitateur externe consiste surtout à servir de consultant neutre lors des débuts souvent ardus de l’exercice de planification. Le facilitateur interne, quant à lui, agit comme consultant permanent, ou souvent comme coordonnateur des activités; il participe à toutes les activités liées au projet de planification tels que les groupes focus et les groupes de travail. L’énoncé, par le comité de planification, d’une vision et d’une mission claires et succinctes ainsi qu’un ensemble de valeurs et de croyances jette aussi les bases d’une collaboration démocratique au sein de l’institution. Ce modus operandi ouvre la voie pour une collaboration au sein de laquelle les intérêts convergents l’emportent sur les intérêts individuels et divergents, ce qui n’élimine pas, pour autant, l’existence de conflits internes qui doivent être gérés de manière productive dans le cadre des paramètres tracés (Trusty, 1987).
L’approche systémique à la base du processus suppose que l’organisation est en osmose constante avec son environnement externe et que, pour survivre et évoluer, elle doit changer et s’adapter à cet environnement en perpétuelle mutation (de Rosnay, 1975; Kaufman, Herman et Watters, 1996; Lesourne, 1976; von Bertalanffy, 1973). Ce dynamisme et cette flexibilité permettent à l’organisation d’atteindre une pertinence et une efficacité croissantes. La formation à distance est particulièrement sensible aux changements et aux modifications de l’environnement externe dans lequel elle évolue. Or, cet environnement est loin d’être univoque, il se compose plutôt d’une multitude de facteurs, interactifs et souvent interdépendants, qui influencent, chacun à leur manière, la destinée et l’existence de l’institution. Les facteurs sociaux, économiques, politiques, démographiques et technologiques sont les principaux éléments de l’environnement externe de la formation à distance et ont une influence sur le futur et le développement de l’institution. Il est donc essentiel de connaître, en tout temps, l’importance et l’impact qu’exerce chacun de ces facteurs dans l’environnement pour y déceler les menaces et les opportunités (McCune, 1986; Rachal, 1989). Le relevé de l’environnement externe devient donc un exercice continu pour l’institution qui s’adonne à la planification stratégique.
La connaissance détaillée de certaines menaces peut permettre la transformation de ces dernières opportunités pour l’institution. Une pareille opportunité est souvent passagère. En effet, avec la rapidité des changements dans l’environnement, l’avenir devient vite le présent et a tôt fait de disparaître dans le passé. Raison de plus pour que l’institution connaisse le mieux possible ce qui se prépare pour le futur et ce qui se déroule dans le présent.
Les marchés captifs d’antan n’existent plus en éducation. L’institution d’éducation à distance doit orienter ses ressources afin de bien desservir sa clientèle et son public. Il est important pour l’institution de savoir comment elle est perçue par sa clientèle et le public en général, sans toutefois trahir la primauté de la connaissance qui demeurera toujours son objet distinctif, face aux autres vecteurs de communication, comme les médias. La culture organisationnelle doit donc prendre une orientation vers un marketing plus actif afin de pouvoir mieux remplir la mission de l’institution (Kotler et Fox, 1985). Le marketing d’une institution éducationnelle ne consiste pas dans la vente et la promotion des services offerts, mais sert plutôt à informer et à motiver une clientèle (Duning, Van Kekerix et Zaborowski, 1993; Knox, 1993; Kotler et Fox, 1985; Mauriel, 1989).
La segmentation et le ciblage d’une population d’étudiants potentiels permettent donc de mieux établir une niche au sein de la population et du marché (Mauriel, 1989), compte tenu que la technologie présentement utilisée en formation à distance a éliminé en bonne partie les barrières géographiques et sociales en éducation et a permis l’accès aux services éducatifs en accord avec la demande. Cette ouverture d’accès est surtout bénéfique aux apprenants des régions isolées et éloignées des centres du savoir ainsi qu’à certains groupes sociaux défavorisés. C’est pourquoi la formation à distance peut se tailler une place de choix dans le système éducatif, tout particulièrement grâce à ses caractéristiques technologiques, ses partenaires institutionnels et sa clientèle diversifiée. Les domaines stratégiques que l’on doit considérer sur ce point sont : les types de programmes, les situations d’apprentissage, les domaines de services, les lieux récipiendaires, la dispersion des apprenants, la technologie utilisée et les coûts d’exploitation (Duning, Van Kekerix et Zaborowski, 1993). Bref, l’information recueillie et les diagnostics qui découlent de l’analyse de l’environnement servent à jalonner des stratégies et à élaborer des plans d’action pour les savoirs à transmettre qui, eux, sont prédéterminés, de l’ordre de l’acquis, du patrimoine, et qui constituent l’objet même de la démocratisation visée.
L’analyse de l’environnement externe et interne fait partie intégrale du processus décisionnel tout au long de l’année. Les données recueillies pour cette analyse peuvent être qualitatives et quantitatives et peuvent parvenir de sources diverses (Bryson, 1990; Burkhart et Reuss, 1993; Cook, 1990; Kaufman et Herman, 1991; Knox, 1993). Nous aborderons, un peu plus loin, quelques-uns des outils et des méthodes d’analyse disponibles pour l’analyse de l’environnement.
L’analyse de l’environnement interne de l’institution exige un examen approfondi des capacités et limites de l’organisation qui facilitent, limitent ou freinent la réalisation de la mission et l’atteinte des objectifs. L’atteinte de l’excellence ne peut se concrétiser que lorsque l’institution mise sur ses forces et sur ce qu’elle fait de mieux, tout en essayant de combler ou de minimiser ses faiblesses et ses failles. Par exemple, la crédibilité, la réputation, le respect, l’image et surtout l’acquis que possède l’institution au sein de la collectivité et pour sa clientèle sont des forces sur lesquelles elle peut compter pour réaliser la mission et la poursuite de ses objectifs. La disponibilité ou la limite des ressources humaines et financières sont autant de facteurs qui se traduisent en menaces ou en opportunités pour l’institution. Les habiletés, les expertises, la compétence, la loyauté, l’enthousiasme ainsi que l’esprit de service et de dévouement du personnel envers la clientèle peuvent présenter des failles ou des forces de l’institution.
L’identification des forces et faiblesses de l’institution peut se faire par différents moyens. La perception qu’en ont le personnel, les dépositaires d’enjeux et la communauté en général, le monde universitaire en particulier, sont des indicateurs importants des forces et des faiblesses. L’utilisation de données quantitatives et d’outils d’analyse qualitative complète l’étude de l’environnement interne et aide à poser un diagnostic sur l’état de santé organisationnelle connue, sur les capacités et limites de l’institution.
La plupart des outils d’analyse quantitative ont été développés pour le monde des affaires et de l’entreprise privée, tandis que bon nombre des outils d’analyse qualitative nous arrivent des départements universitaires de sciences humaines (Burkhart et Reuss, 1993; Cook, 1990; Goodstein, Nolan et Pfeiffer, 1992; Kaufman, 1988; Kaufman et Herman, 1991; Kent et Wilkinson, 1991; Levin, 1983; Rowe et al., 1989). Ces différents outils d’analyse doivent être utilisés, non seulement lors de l’analyse des environnements interne et externe, mais aussi lors du choix des stratégies. Par exemple, les techniques d’identification de problème font usage de l’organigramme, de fiches de vérification, de techniques de remue-méninges, du groupe focus et de la technique du groupe nominal. Au niveau de l’analyse de problème, on utilise l’histogramme, le diagramme de dispersion, le tableau de contrôle, l’analyse des champs de force. Les diagrammes de Pareto, de cause-effet, de fréquence-temps ainsi que les techniques de stratification sont utilisés aussi bien pour identifier que pour solutionner le problème (Brassard, 1990). Dans le secteur économique, on y retrouve l’analyse du coût-efficience, coût-efficacité, coût bénéfice (Henri et Kaye, 1985; Levin, 1983) ainsi qu’une gamme forte variée d’outils et de méthodes d’analyse communément utilisées dans la planification stratégique corporative et la gestion de projet (Genest et Nguyen, 1990, 1992; Rowe, Mason, Dickel et Snyder, 1989; Rowe, Snyder et Seshan, 1989).
L’utilisation de certains de ces outils est efficace pour optimiser non seulement les décisions administratives, mais aussi les orientations pédagogiques dans tout l’éventail du réseau de formation à distance. Ils trouvent leur utilité aux niveaux méga et macro de la planification stratégique et pédagogique du réseau à distance, surtout au profit des programmes.
Rendue à ce stade, l’institution a en main un diagnostic succinct et clair de sa situation face à son environnement interne et externe. Ce stade de la planification est souvent exigeant pour l’institution puisqu’il faut alors décider des enjeux stratégiques afin de passer à l’action. Des conflits internes peuvent facilement surgir puisque les décisions prises auront des répercussions sur l’institution et sur son personnel (Simerly and Associates, 1987). Par exemple, les prises de position et leurs retombées relatives aux moyens et aux approches à utiliser, les théories sousjacentes, la planification des activités et plus particulièrement celles des personnes affectées par ces décisions, sont toutes des sources de conflits internes qui apparaissent à ce stade (Bryson, 1990; Trusty, 1987).
Il importe, pour éviter la paralysie, de niveler d’abord les écarts pour ensuite passer à l’identification des enjeux stratégiques. L’identification des écarts (Goodstein, Nolan et Pfeiffer, 1992) entre le futur idéal tel que projeté dans la vision élaborée précédemment lors de l’exercice de planification et la réalité du moment fournit un indice de faisabilité. S’il n’apparaît aucun écart ou que l’on ne réussit à identifier que très peu d’écarts en cours d’exercice, il faut alors conclure que la vision d’avenir est trop restreinte. Il en est à l’opposé en situation inverse, où il faudra cette fois réduire la vision d’un avenir trop utopique par rapport à la réalité actuelle. Ces enjeux stratégiques touchent des aspects fondamentaux des politiques de l’institution, tels la mission, les objectifs, les valeurs, la clientèle, la structure et la gestion. Le comité de planification doit donc identifier ces enjeux stratégiques et jauger la gravité de leurs conséquences pour l’institution, car cela lui permet de concentrer temps, énergie et ressources sur ce qui est réellement important pour sa continuité.
Les échanges qui normalement ont lieu à cette étape permettent une rétroaction et une remise en question de certains éléments. La rétroaction favorise des mises au point et des clarifications de la vision, de la mission, des valeurs et des croyances précédemment élaborées. Une fois terminée cette étape, le comité de planification et l’institution possèdent un ensemble d’enjeux stratégiques sur lesquels il faudra maintenant agir aux étapes subséquentes. On a pu identifier les discordances et les concordances entre les besoins précédemment identifiés et les capacités en ressources humaines et financières de l’institution.
Dès que le choix des stratégies est bien arrêté, le comité de planification et la direction de l’institution sont prêts à entreprendre la rédaction du plan stratégique et la préparation des mise en oeuvre. Le choix des stratégies et des objectifs doit ensuite être communiqué à l’ensemble du personnel afin de bien l’informer des changements prévus.
La stratégie consiste dans l’ensemble des buts, des politiques, des programmes, des actions, des décisions et de l’allocation des ressources qui définissent ce qu’est l’institution, ce qu’elle accomplit et pourquoi elle le fait (Knox, 1993). Les objectifs qui en découlent traduisent les stratégies en termes mesurables et quantitatifs; elles servent de base à l’élaboration des plans d’action.
Une institution peut élaborer autant de plans d’action qu’elle le juge nécessaire et approprié pour la mise en oeuvre des stratégies choisies et la poursuite des objectifs correspondants (Murgatroyd et Woudstra, 1990). Un plan d’action sert à déterminer les tâches, les activités, les responsabilités et l’échéancier; ces éléments sont nécessaires à la réalisation des stratégies et des objectifs fixés. Les activités à accomplir y sont décrites de manière claire et succincte, selon un ordre séquentiel et par priorités. La responsabilité de leur réalisation est attribuée à un groupe de personnes ou à un individu en particulier. Une activité particulière peut aussi consister en un plan d’action individualisé. Le plan ou syllabus de cours est un exemple du cas.
Habituellement, les diverses unités de l’institution ont à développer un plan d’action pour l’année. Ces plans doivent garantir la mise en place de stratégies et la poursuite d’objectifs découlant des travaux du comité de planification. La préparation et la décision des différents plans d’action reste la responsabilité de l’unité ou du département décisionnel concerné, qui doit toutefois le présenter au comité décisionnel de planification pour fins de validation avant de passer à la mise en oeuvre. L’enseignement ne se fait plus isolément et n’est pas détaché de la mission de l’institution et des aspirations et besoins de la communauté, comme il en a d’ailleurs toujours été dans les pratiques traditionnelles. Cette pratique ne fait pas obstacle au principe de liberté académique dont jouit le professeur universitaire, quoique certains y voient une entrave puisque l’enseignement peut être soumis à des impératifs de productivité et de rentabilité économiques (Henri et Kaye, 1985).
L’allocation des ressources humaines et financières nécessaires à la réalisation des stratégies, des objectifs et des plans issus du processus de planification stratégique peut occasionner des remous et des changements au sein de l’institution. La structure organisationnelle doit aussi être façonnée selon les nouvelles exigences du plan ainsi que selon l’allocation du personnel et des tâches à accomplir. La redéfinition des responsabilités et la délégation de l’autorité au sein des départements et des secteurs deviennent souvent nécessaires et affectent de nombreuses personnes. Il en va de même pour l’élaboration des nouvelles politiques de fonctionnement, ainsi que pour l’opérationnalisation des outils d’évaluation de la performance, qui font aussi partie du cycle de mise en oeuvre.
Par rapport à ces changements, l’institution doit voir à l’adaptation des gestionnaires et des employés en cause en mettant sur pied un programme d’information et de perfectionnement professionnel. La diffusion de l’information pertinente et la formation du personnel permettent de mieux les préparer aux changements et d’amenuiser la résistance.
L’allocation des ressources se fait selon les priorités établies et en fonction de stratégies et d’objectifs sur lesquels on s’est déjà entendu. Le processus budgétaire doit également être intégré au processus de planification stratégique. Contrairement à l’approche traditionnelle de planification, ce n’est pas le budget qui contrôle le processus, mais plutôt l’inverse. Le processus de planification précède, contrôle et dicte les décisions budgétaires à l’intérieur des normes (Kent et Wilkinson, 1991).
Nous avons décrit la planification stratégique dans son aspect de processus proactif et dynamique, orienté vers la culture du changement et fonctionnant en osmose avec son environnement. Il va de soi que le processus comporte une mise en oeuvre efficace et déterminée.
L’évaluation et le contrôle de la mise en oeuvre exigent un engagement de départ et une action continue de la part de l’institution afin de suivre chacune des étapes et d’identifier les écarts entre les objectifs fixés et les réalisations du moment (Kaufman et Grisé, 1995; Rowntree, 1994). Lorsque les réalisations s’éloignent des objectifs, l’institution peut apporter les corrections qui s’imposent sans attendre la nouvelle étape de l’opération. Le suivi continu des opérations de mise en oeuvre facilite le diagnostic immédiat des situations déviantes et offre la possibilité d’actions de redressement. L’information recueillie pendant l’évaluation des programmes et du personnel peut aussi servir de point de repère pour les phases subséquentes (Holmes et Rawitsch, 1993). Il est enfin possible, lorsque l’écart est inévitable, de retourner aux stratégies et aux objectifs originaux pour y faire les modifications ou les ajustements requis en cours de réalisation.
La formation à distance est présentement arrivée à un point tournant de son évolution grâce à l’avènement des nouvelles technologies qui sont en train de recadrer le concept d’éducation et de transmission des connaissances humaines à distance. Les nouvelles technologies ont accéléré de manière substantielle les changements en éducation et ont aussi fait naître une nouvelle cohorte de dépositaires d’enjeux et de technocrates-techniciens devenus éducateurs. L’éducation n’est donc plus la chasse gardée des seuls professionnels de l’enseignement traditionnels, puisqu’ils doivent dorénavant inclure dans leurs rangs les technocrates-techniciens qui se sont déjà imposés dans la place de choix et même, pour certains, valus une renommée dans la société en quête de savoir. La formation à distance est la cible des entreprises de hautes technologies dans leur effort de pénétration du marché éducationnel et dans leur tentative de création de ce qu’elles appellent « l’industrie de l’éducation ». L’avènement de la téléinformatique et les pressions exercées par ces transnationales de hautes technologies crée une situation qui remet en question le fonctionnement traditionnel de l’éducation à distance. Face à une telle menace l’éducation à distance, comme institution, doit garder le contrôle de son futur quitte à adopter d’emblée le modèle corporatif sans trop se soucier des conséquences sociales, voire même académiques d’une telle démarche. La responsabilité de l’éducation à distance doit-elle être laissée à des technocrates-techniciens ? Doitelle adopter sans aucune considération le modèle corporatif ? Ce sont là des questions que l’institution est forcée de se poser dans le cadre d’une planification stratégique. C’est dans cette perspective que le processus devient un outil de vitalité et de croissance apte à intégrer la technologie à l’enseignement et à l’apprentissage sans devoir sacrifier les fondements mêmes de l’éducation publique.
Denis Haché, Ph.D. Centre de recherches en éducation du Nouvel-Ontario (Institut d’études pédagogiques de l’Ontario de l’Université de Toronto) 360, rue Perreault Sudbury, Ontario P3B 2M7 téléphone: (705) 674-5740 télécopieur: (705) 674-3130 courrier électronique: dhache@oise.utoronto.ca
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Denis Haché, est professeur agrégé à l’Institut d’études pédagogiques de l’Université de Toronto et directeur du Centre de recherches en éducation du Nouvel-Ontario (CRÉNO) situé à Sudbury, Ontario. Il détient un Ph.D. de l’Université de Montréal. Il s’intéresse particulièrement à l’inclusion de la formation à distance et à la téléinformatique au niveau secondaire et postsecondaire, aux différentes réformes éducationnelles présentement en cours, à la planification stratégique et à l’éducation des minorités francophones hors-Québec.
ISSN: 0830-0445