Le Campus virtuel:
un réseau d'acteurs et de ressources

Gilbert Paquette , Claude Ricciardi-Rigault , Ileana de la Teja , Chantel Paquin

VOL. 12, No. 1/2, 85-101

Résumé

Le concept de campus virtuel présenté ici résulte de travaux entreprise depuis 1992 à la Télé-université et à son centre de recherche, le LICEF. Le Campus virtuel proposé repose sur la mise en réseau d'acteurs et de moyens diversifiés. Il vise à offrir un accès, en direct et en différé, à diverses ressources d'apprentissage : formateurs et tuteurs, experts de contenu, gestionnaires, professeurs-concepteurs. Ces différents acteurs ont accès à des serveurs informatiques leur offrant des documents multimédias, des logiciels, des outils de travail et de formation, des fichiers de messages individuels ou collectifs, des travaux à réaliser. Nous présentons six modèles techno-pédagogiques de formation à distance, puis nous exposons le modèle de Campus virtuel du LICEF, ses acteurs et leurs fonctions, les processus auxquels ils participent et les rôles qu'ils y jouent, ainsi que les cinq espaces virtuels dans lesquels ils évoluent. Nous faisons aussi état de cinq implantations du modèle, ainsi que des perspectives de recherche et de développement dans ce domaine.

Abstract

A model of the virtual campus is explored and presented resulting from work started in 1992 at Télé-université and its research centre, LICEF. The Virtual Campus model is based on the networking of diversified actors and resources. Its aim is to offer an access, in real time and in asynchronous mode, to a variety of learning resources: trainers and tutors, content experts, managers, designers. These different actors have access to computer-based servers offering multimedia documents, courseware, integrated tools for task achievement and training, files of individual or group messages, projects and activities. We present here a survey of six different TeleLearning models, then the LICEF's Virtual Campus model, its actors and their functions, the process into which they participate and the roles they play, as well as the five virtual spaces of resources in which they navigate. We also present five different implementations of the model and outline future research and development in this field.

 

Introduction

Créée peu de temps après l’Open University du Royaume-Uni en 1972, la Télé-université est la plus ancienne université à distance au Canada. La plupart de ses étudiants (90 %) sont des apprenants adultes en milieu de travail. Le LICEF est le centre de recherche de la Télé-université. Il a pour mission de faire avancer la connaissance en informatique cognitive, en particulier dans ses applications et à travers trois axes : la modélisation cognitive des transactions d’apprentissage, les méthodes d’ingénierie des systèmes d’apprentissage et le développement des systèmes informatisés de télé-apprentissage.

Le concept de campus virtuel est devenu le projet fédérateur des recherches au sein du LICEF (Paquette, 1995). Tel que nous le concevons, le Campus virtuel repose sur la mise en réseau d’acteurs et de ressources beaucoup plus diversifiés que dans la plupart des systèmes actuels de formation à distance. Il vise à offrir aux apprenants un accès, en direct ou en différé, à diverses ressources d’apprentissage : formateurs et tuteurs (pédagogie, animation, évaluation pédagogique, conseil, monitoring), experts de contenu (connaissan-ces), gestionnaires (organisation, coordination, accréditation), professeurs-concepteurs (mise à jour continue des ressources d’apprentissage).

Sur les inforoutes, ces différents acteurs ont accès à des serveurs leur offrant des ressources variées : documents multimédia, logiciels éducatifs, outils de travail et de formation, fichiers de messages individuels ou provenant de téléconférences, travaux individuels ou de groupe. Dans la suite de cet article, nous passerons en revue les principaux modèles techno-pédagogiques de formation à distance, de façon à établir des principes d’orientation pour un campus virtuel. Puis nous proposerons le modèle de Campus virtuel du LICEF, ses acteurs et leurs fonctions, les processus auxquels ils participent et les rôles qu’ils y jouent, ainsi que les espaces virtuels dans lesquels ils évoluent. Nous établirons ensuite une synthèse des implantations du modèle qui ont été expérimentées au Centre ou à la Télé-université, pour conclure sur les perspectives de recherche et de développement.

Les ModèLes Techno-PéDagogiques de Formation à Distance

Le terme « formation à distance » recouvre plusieurs réalités techno-pédagogiques fort différentes, depuis la simple déconcentration d’activités de formation en classe, jusqu’aux modèles interactifs multimédia rendant l’apprentissage disponible en tout temps et en tout lieu. Nous exposons ces divers modèles en soulignant les principes que nous en retenons pour l’élaboration d’un modèle intégré de Campus virtuel.

Les ModèLes Technologiques de Formation à Distance

Le monde de la formation à distance est en pleine effervescence. Avec l’accroissement extrêmement rapide de la disponibilité des télécommunications multimédia, les modèles techno-pédagogiques se multiplient. On peut les regrouper en six paradigmes principaux :

Chacun de ces modèles présente des avantages et des inconvénients. Les deux premiers sont actuellement très populaires. Ils s’appuient sur le paradigme traditionnel de transmission de l’information en direct : l’enseignant se sert d’un matériel informatique et audio-visuel lui permettant d’animer une présentation de groupe multimédia, diffusée en temps réel localement ou vers plusieurs points géographiquement distants où se trouvent rassemblés des apprenants. Ce modèle exige un équipement coûteux en plus de la présence physique des apprenants et de l’enseignant, au même moment. De plus, trop souvent, il réduit l’interaction et l’initiative de l’apprenant à un niveau qui n’est en rien supérieur à la présentation d’un cours traditionnel dans un auditorium.

Cette approche apparaît insuffisante pour répondre aux besoins croissants de formation, dans un contexte socio-économique où l’apprentissage continu (« lifelong learning ») est requis de personnes mobiles et occupées, visant l’atteinte d’habiletés intellectuelles de plus haut niveau que par le passé. Comme le souligne un récent rapport du Conseil supérieur de l’éducation du Québec (Gouvernement du Québec, 1993-94) :

Un accent particulier doit dorénavant être placé sur les capacités cognitives supérieures (aptitude au raisonnement, à la résolution de problèmes et à la planification des actions) et les habiletés sociales (autonomie, capacité de communication et de collaboration). Ces habiletés vont d’ailleurs dans le sens des compétences attendues des travailleurs et travailleuses par suite de l’impact des NTIC sur la nature des emplois. (p. 24)

Avec l’arrivée des technologies de l’Internet et du multimédia, l’apprenant est soumis à de multiples sources d’information entre lesquelles il doit pouvoir choisir. Le nouveau paradigme (figure 1), où l’apprenant, au centre de son processus d’apprentissage, fait appel à plusieurs sources d’expertise, est mieux représenté par les quatre derniers modèles présentés plus haut que par les deux premiers.

Dans les modèles du « média enseignant » ou de « la formation sur les inforoutes » appliqués à l’état pur, la formation est personnalisée mais elle est aussi privée de son importante dimension collaborative. Cependant, celle-ci peut être restaurée si on utilise l’ordinateur comme moyen de communication. L’approche EPSS, quant à elle, favorise les principes de l’information « juste-à-temps » et de l’apprentissage vu comme un processus de traitement de l’information. L’ensemble de ces traits fonde le concept de scénario d’apprentissage qui est au coeur de notre modèle de Campus virtuel.

Les Principes RéGissant Les SystèMes D’Apprentissage

L’étude de ces différents modèles et leur intégration dans une perspective constructiviste nous amène à énoncer les dix principes suivants qui devraient guider l’ingénierie et l’utilisation des systèmes d’apprentissage dans le contexte du Campus virtuel.

  1. Un système d’apprentissage est centré sur l’apprenant. Les activités des autres acteurs (formateurs, gestionnaires, informateurs ou concepteurs) sont définies par rapport aux activités de l’apprenant.
  2. Un système d’apprentissage utilise pleinement l’atout que constitue la distance dans la poursuite de l’apprentissage la vie durant. Il doit être disponible en tout temps, ainsi qu’en tout lieu où l’apprenant peut poursuivre ses apprentissages.
  3. Un système d’apprentissage propose une pédagogie constructiviste, en misant sur l’activité de l’apprenant dans la construction des connaissances, en tenant compte de ses particularités et en l’aidant à intégrer l’information mise à sa disposition, dans un contexte et dans un usage, c’est-à-dire à transformer l’information en connaissance.
  4. Un système d’apprentissage est orienté « processus » en ce sens que l’apprenant construit ses connaissances en résolvant des problèmes, en accomplissant des tâches, en réalisant des projets.
  5. Un système d’apprentissage propose des apprentissages « juste-à-temps » en ce sens qu’il permet d’accéder aux informations au moment où cela est nécessaire.
  6. Un système d’apprentissage doit permettre de développer les connaissances et les habiletés qui permettront aux apprenants de chercher, de trouver et d’effectuer divers traitements de l’information pertinente ; il doit favoriser chez l’apprenant le développement d’habiletés de transfert, ainsi qu’un large degré d’autonomie dans l’acquisition des connaissances.
  7. Un système d’apprentissage vise à développer des habiletés sociales et des attitudes positives face à l’apprentissage.
  8. Un système d’apprentissage propose aux différents acteurs divers moyens d’accès et de traitement de l’information, soit des environnements logiciels disponibles pour la recherche et la communication d’informations, pour le conseil en regard des différents processus (en fonction de chacun des participants), pour la collaboration entre les apprenants comme entre ceux-ci et les autres acteurs qui participent à l’apprentissage.
  9. Un système d’apprentissage supporte la démarche d’apprentissage par des moyens variés et intégrés en un ensemble cohérent d’objectifs, de moyens et de méthodes.
  10. Un système d’apprentissage est ouvert, en ce sens qu’il peut être adapté par les apprenants ou les formateurs aux besoins particuliers des apprenants (individus, équipe ou groupe d’apprenants), de différents milieux ou de différentes cultures ; il est modulaire, de façon à en faciliter l’adaptation, la mise à jour et la ré-ingénierie.

Le ModèLe du Campus Virtuel

Sur la base des principes énoncés à la section précédente, nous présentons maintenant le modèle de Campus virtuel elaboré au LICEF : ses acteurs et leurs rôles, ses processus et les outils technologiques dont les acteurs ont besoin pour assumer leurs fonctions dans un système intégré de formation à distance.

Acteurs et Processus

Le processus d’apprentissage est régi par un acteur appelé « apprenant » dont la tâche est de transformer un ensemble d’informations en connaissances. Par « information », nous entendons toute donnée, concrète ou abstraite, perceptible par les sens et susceptible d’être transformée en connaissance. Par « connaissance », nous comprenons une information assimilée par une entité cognitive et intégrée par cette dernière à son système cognitif dans un contexte et dans un usage.

La transformation par l’apprenant de l’information en connaissance suppose une adaptation des schémas mentaux pré-existants ou la création de nouveaux schémas, mais toujours intégrés à l’ensemble du système mental de l’apprenant. La connaissance ainsi créée est intégrée à un usage, dans la mesure où elle est utilisée dans des processus permettant à l’apprenant de conduire des actions dans son environnement.

Les informations sont mises à la disposition de l’apprenant par un autre acteur appelé « informateur ». L’informateur peut être une personne ou un groupe de personnes intervenant directement, ou médiatisées sous la forme d’un livre, d’un vidéo, d’un logiciel ou par tout autre instrument ou média permettant de rendre disponible une partie du savoir sous forme d’informations utilisables pour l’apprentissage.

Par « savoir », nous entendons un corps de connaissances reconnu socialement. Ce peut être un domaine général de connaissances comme la physique ou l’administration ou un savoir spécialisé concernant l’utilisation d’un logiciel ou une méthode de travail particulière à une organisation. Nous avons présenté deux acteurs indispensables à tout processus d’apprentissage :

Dans un système d’apprentissage, généralement, d’autres acteurs interviennent. Ce sont des « facilitateurs » du processus d’élaboration des connaissances à partir de l’information, tel qu’indiqué sur la figure 2. Nous distinguons ainsi trois autres acteurs :

Selon les systèmes d’apprentissage, les rôles des différents acteurs sont remplis par un nombre plus ou moins réduit de personnes et de sous-systèmes. Dans la formation traditionnelle en classe, par exemple, les rôles d’informateur et de facilitateur sont le plus souvent cumulés par le même professeur. Dans l’apprentissage autonome au moyen de cours par correspondance, l’apprenant reçoit par contre les informations sous forme d’un ensemble d’instruments didactiques multimédias ou pluri-médias. Dans les systèmes de support à la performance, les informations sont rendues disponibles à partir d’un environnement informatisé qui est aussi l’environnement de travail de l’apprenant.

Fonctions et RôLes Des Acteurs

La figure 2 représente de façon synthétique les fonctions des différents acteurs dans le processus d’apprentissage. Par fonction, nous entendons le processus propre à un acteur et par lequel celui-ci intervient dans la situation d’apprentissage. Il y a donc autant de fonctions que d’acteurs, chacune étant associée à ses intrants et à ses extrants, ainsi qu’à l’acteur qui l’exerce. Figure 2 : Les acteurs et les principaux processus de télé-apprentissage À ce point-ci, chacune des cinq grandes fonctions exercées par un des acteurs du Campus virtuel est décrite par une « boîte noire ». On en connaît les intrants et les extrants, mais non le contenu. Pour préciser celui-ci, il faut décrire le processus par l’enchaînement de tâches ou des actions plus ou moins complexes qui le composent, les intrants et les extrants de chacune de ces tâches et les principes qui en régissent l’exécution. Le tableau 1 décrit pour chaque acteur et sa fonction associée, certains des sous-processus ou rôles qui peuvent participer à la fonction.

Nous appellerons « rôle » tout processus générique servant de matériau dans la définition de la fonction de l’un ou l’autre des acteurs dans le cadre du processus d’apprentissage. Un rôle est donc un sous-processus du processus principal représentant la fonction générique d’un acteur dans un système de télé-apprentissage.

Soulignons qu’un rôle donné peut être présent dans la description de fonction de plus d’un acteur. Par exemple, un rôle d’explorateur de banques externes d’information, même s’il entre nécessairement dans la définition de la fonction d’apprenant, pourra être intégré à la définition de la fonction des autres acteurs.

Rappelons aussi que les acteurs doivent être nettement distingués des types d’intervenants (ou personnages) tels que définis par une organisation donnée, et également des individus (ou participants) qui en assument la fonction et les rôles. Par exemple, à la Télé-université, le professeur est un personnage qui assume souvent les rôles de l’acteur concepteur (moins la réalisation et la production des documents non-imprimés), de l’acteur informateur (lors des séances de formation des tuteurs ou en réponse directe à certains apprenants) et de l’acteur gestionnaire (dans la supervision des tuteurs). Le tuteur, quant à lui, est un autre personnage qui assume à la fois les rôles de l’acteur formateur et de l’acteur gestionnaire, sans en épuiser la liste néanmoins.

Finalement, les individus seront aussi bien des instanciations finales des acteurs que des personnages ou intervenants. Par exemple, le professeur X est un participant qui agit comme acteur concepteur de ce cours, mais le professeur Z est un autre participant qui y assume la fonction d’informateur.

RôLes et ScéNarios SpéCifiques

Un élément central du Campus virtuel est une librairie des rôles pouvant être joués par un ou plusieurs acteurs. Ceux-ci sont décrits de façon structurée de manière à définir précisément la fonction de chaque acteur dans un système d’apprentissage donné. En tant que processus, chaque rôle peut être défini par un graphe des tâches regroupant les procédures (ou tâches) que l’acteur pourra exécuter, les liens entre celles-ci, leurs intrants et leurs extrants, ainsi que les principes qui les régissent.

Nous appellerons un tel graphe « scénario générique ». Ainsi, chaque rôle possible d’un acteur pourra être décrit par un graphe générique des tâches. En combinant ces scénarios génériques, en les adaptant et en les particularisant à un domaine de connaissances, on pourra décrire précisément la fonction de chacun des acteurs dans un système d’apprentissage donné (Paquette, Aubin et Crevier, 1997).

Prenons par exemple le rôle « résolveur » 2 de problèmes. Comme il y a plusieurs types de problèmes, nous pouvons spécialiser ce scénario en fonction de ceux-ci, tels la classification, le diagnostic ou le design. Ainsi, un scénario générique de diagnostic pourra devenir un élément central d’un scénario plus global d’apprentissage. Par ailleurs, le formateur ayant aussi besoin d’établir un diagnostic sur les progrès de l’apprenant, un scénario de diagnostic pourra de même être intégré au scénario de formation (ou d’assistance/conseil pédagogique), destiné cette fois au formateur. Le scénario (spécifique) d’un acteur dans un système de télé-apprentissage est obtenu en particularisant les scénarios génériques qui ont été retenus comme s’appliquant à sa fonction dans ce système d’apprentissage précis.

Ainsi, supposons que l’on désire construire un système de télé-apprentissage pour la mécanique automobile. Le scénario spécifique de l’apprenant pourra comporter d’abord des tâches de recherche d’information dans des guides techniques de mécanique automobile, suivi d’un processus de diagnostic appliqué à la mécanique automobile, puis d’une séance de télé-discussion sur ce type de diagnostic et enfin d’une activité d’auto-évaluation portant sur le diagnostic en mécanique automobile. On aura combiné ici quatre scénarios génériques et on les aura particularisés en fonction du domaine d’étude pour obtenir un scénario spécifique d’apprentissage.

Par ailleurs, dans le même système de télé-apprentissage, le formateur devra jouer le rôle d’un conseiller en fonction de la recherche effectuée par les apprenants sur le diagnostic automobile. Pour ce faire, il aura lui aussi recours au scénario générique de diagnostic mais il l’appliquera, en ce qui le concerne, à l’identification des difficultés des apprenants à résoudre ce type de problème. Puis il entreprendra l’animation de la télé-discussion et s’assurera (scénario générique de supervision) que chaque apprenant effectue correctement son auto-évaluation. On obtient ainsi, par rapport à la même situation, un scénario spécifique de formation.

Les Espaces Virtuels Des Acteurs

Dans une perspective orientée - objet (Rumbaugh, Blaha, Premerlani, Eddy et Lorensen, 1991), l’examen des processus régis par les différents acteurs permet d’induire les objets technologiques qui leur seront utiles pour remplir leurs rôles dans un système de télé-apprentissage. Quel que soit l’acteur, on peut ainsi découvrir cinq espaces virtuels, décrits à la figure 3, dans lesquels chacun des acteurs évolue d’une façon qui lui est propre.

Nous appelons HyperGuide, cette configuration en cinq espaces : navigation-gestion, information, production, communication-collaboration, assistance-conseil.

Quel que soit l’acteur auquel il s’adresse, chacun de ces environnements HyperGuide donne ainsi accès à divers services dont le Navigateur de scénario qui permet à l’acteur de naviguer dans son scénario et qui lui donne accès aux autres outils rendus disponibles, notamment les outils de gestion (carnet, agenda, plan de travail, navigateur du modèle de connaissances).

Chaque acteur dispose également

L’espace de production prend la forme d’un Atelier de travail et de production qui permet à un acteur donné de réaliser les tâches définies dans son scénario :

Implantations du Campus Virtuel

L’un des avantages du modèle de Campus virtuel présenté ici, consiste en sa capacité d’adaptation à différents contextes technologiques et en sa modularité assurant la réutilisabilité de ses composantes. L’évolution technologique de plus en plus rapide rend nécessaire de tels modèles ouverts qui permettent de faire évoluer les systèmes d’apprentissage, sans tout refaire chaque fois qu’un nouveau type de matériel pédagogique devient accessible. Nous illustrons cette versatilité du modèle à travers cinq réalisations de ces dernières années, cours de la Télé-université ou prototypes développés au LICEF.

Le tableau qui suit résume les caractéristiques de ces implantations, en fonction du modèle des connaissances décrivant le domaine faisant l’objet d’apprentissage et des connaissances qui y seront traitées ; du modèle pédagogique, au coeur duquel on retrouve les scénarios d’apprentissage qui décrivent les rôles de chaque acteur (ici seul l’apprenant est considéré) ; et finalement du modèle médiatique qui décrit le matériel pédagogique, les outils et les infrastructures technologiques du système d’apprentissage. Dans la première implantation, le modèle est indépendant de la technologie. Il s’agit d’un cours plurimédia qui n’utilise pas l’encadrement ou la collaboration par télématique. L’espace de navigation/gestion est médiatisé sous la forme de guides imprimés, ceux-ci décrivant les activités et les productions que l’apprenant doit réaliser, ainsi que les sources d’information (textes, vidéo, logiciels) à consulter. L’espace de communi-cation et de collaboration prend la forme de rencontres et d’échanges téléphoniques. L’espace d’assistance comporte un encadrement téléphonique par tuteur et des exemples d’utilisation des logiciels.

La seconde implantation du Campus virtuel utilise des moyens technologiques peu élaborés. L’HyperGuide est un logiciel hypermédia réalisé en HyperCard ou Toolbook qui décrit le scénario des activités sous forme de boutons cliquables. Ceux-ci donnent accès à une fiche d’activité comportant une consigne, une description des objectifs, ainsi que des icônes donnant accès d’une part aux documents à consulter pour réaliser l’activité, et d’autre part, aux gabarits des travaux à produire. L’espace d’information se compose des documents (imprimés et vidéos) à consulter et des documents produits par l’apprenant. Chaque document est représenté par un icône qui donne accès au texte ou à un résumé du vidéo. L’espace de collaboration est représenté par d’autres icônes donnant accès à la messagerie électronique et à des téléconférences assistées intégrées au scénario de chaque module. L’espace d’assistance est médiatisé sous la forme de fiches-conseil ou de cartes-exemples offrant une aide liée à une activité. Ces fiches sont affichées à la demande de l’apprenant. Ce dernier peut aussi choisir de communiquer avec son tuteur ou ses co-équipiers en utilisant le courrier électronique [Paquette, Bergeron et Bourdeau, 1993a].

La troisième implantation présente des caractéristiques semblables pour un cours d’initiation à l’Internet, mais elle utilise un support sur Internet ou en local, à l’aide du fureteur Netscape. Des pages Web décrivent les activités à réaliser, des hyperliens donnant accès aux documents à consulter et aux outils à utiliser pour les travaux et la réalisation de projets. Des outils asynchrones de courrier et de téléconférence permettent le travail collaboratif et le tutorat à distance.

Les deux derniers exemples sont des prototypes plus avancés, réalisés au Centre de recherche LICEF [Paquette, Riccidardi-Rigault, Bourdeau, Paquin, Liégeois et Bleicher, 1996]. Dans les deux cas, il s’agit de la médiatisation d’un cours d’économie. On a voulu y favoriser l’apprentissage collaboratif, en fonction d’un contenu qui se prêtait bien, par ailleurs, à une grande modularité. La métaphore retenue est celle d’un colloque virtuel ou d’un centre de conférences. Dans les deux cas, les étudiants disposent des moyens nécessaires à leur recherche et à la production, en équipe, de communications qui seront ensuite présentées au groupe/cours. On met donc en oeuvre divers dispositifs d’accès à des documents multimédia, de production et de communication et de conseils en ligne, sur le poste de travail et avec l’aide de tuteurs. Cependant, l’environnement, dans le second cas, est enrichi par rapport au premier, tant du point de vue de l’insertion du cours dans le cadre plus large du campus, que du recours aux médias, des instruments d’autogestion et de gestion de groupe, des outils de production et du support réseau. En 1997, les réseaux sont hétérogènes, ce qui correspond sans doute à l’avenir prévisible.

Conclusion

Le modèle de campus virtuel que nous venons de présenter offre l’avantage de faciliter l’établissement des fonctionnalités nécessaires aux différents intervenants d’un système. Il permet aussi de vérifier si tous les espaces et les outils dont doivent pouvoir bénéficier les participants sont bien instanciés et ont bien été conçus dans une perspective systémique, en tenant compte des divers points de vue que chacun des cinq acteurs commande nécessairement sur un système d’apprentissage donné. Le modèle permet aussi de mieux prendre en compte les divers niveaux d’environnements dans un complexe d’apprentissage et, en conséquence, le point d’ancrage de chacun des outils requis. Il favorise ainsi une meilleure gestion des efforts de conception et de réalisation. Dans cette perspective, le concepteur d’un cours donné sait qu’il peut bénéficier de l’environnement mis au point pour chacun des cinq espaces et chacun des cinq acteurs, dans le cadre d’abord de l’ensemble du campus virtuel, puis du programme dans lequel son propre système d’apprentissage, ici un cours, s’inscrit. Il peut donc se consacrer à ce qui lui est spécifique, par aménagements, ajouts ou retraits.

Par ailleurs, de façon à favoriser le plus possible la généricité du modèle et son indépendance par rapport aux différents moyens nécessaires à sa mise en oeuvre, l’architecture de la plate-forme supportant le système a été conçue en recourant au concept de couches. De cette façon, le niveau des réseaux physiques est isolé le plus possible de celui des applications. Entre les deux, la couche intermédiaire supporte le programme informatique destiné à permettre l’implantation et l’exécution des différents scénarios, en les mettant en prise avec les moyens physiques et logiciels. C’est à ce niveau que les recherches et le développement se poursuivent actuellement au LICEF.

Ils devraient donner lieu à la production d’un nouveau prototype en juin 1998. Cependant, le modèle sert aussi de point de départ aux travaux menés à la Télé-université qui opère une réingénierie de son infrastructure technologique et de ses processus. Dans ce contexte, on doit à la fois tenir compte des moyens actuellement disponibles aux étudiants à domicile ou dans les entreprises, ainsi que de leur évolution prévisible, du passé d’une institution déjà vieille d’un quart de siècle, des stocks et des moyens disponibles. Toutefois, le fait de disposer à la fois du modèle présenté dans ce texte et des documents d’architecture qui en ont découlé permet d’envisager avec plus d’assurance la vaste opération de modernisation de la banque de cours, entreprise à la Télé-université. Également, le modèle de Campus virtuel a été adapté à une situation de campus partenarial avec l’ETS, l’INRS et l’UQAM (projets ETI et SAVOIR), ainsi qu’au développement d’un modèle d’une école informatisée clef-en-main, soutenu par le Ministère de l’Éducation du Québec.

Correspondence:

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Endnotes

1. LICEF: Laboratoire d'informatique cognitive et environnements de formation

2. Néologisme pour « celui qui résout ».


Directeur du Centre de recherche de la Télé-université, le LICEF, Gilbert Paquette (gpaquett@teluq.uquebec.ca) est à l’origine de plusieurs projets de recherche-développement stratégiques : AGD (Atelier de génie didactique), MOT (Modélisation par objets typés), ÉPITALK (Conception de systèmes conseillers) et HYPERGUIDES (Environnements de type Campus virtuel). Il participe à trois consortium internationaux de recherche, a publié trois livres et une cinquantaine d’articles scientifiques, tout en participant à la réalisation d’une dizaine d’environnements informatisés de formation.
Après des études en lettres, en téléinformatique, en sciences de l’information, Claude Rigault (crigault@teluq.uquebec.ca) enseigne à l’Université de Sherbrooke, puis à Laval et enfin à la Télé-université. Elle a développé divers cours en téléformation, poursuit des recherches dans ce domaine ainsi qu’en ingénierie linguistique et assume la direction scientifique du LICEF. Centre de recherche LICEF .

ISSN: 0830-0445