Analyse critique des activités collaboratives dans un cours de mathématiques sur Internet au collégial

Martine Chomienne, Josianne Basque, Sonia Rioux

VOL. 12, No. 1, 153-175

Résumé

Des activités collaboratives en mode asynchrone (téléconférences, courrier électronique) et synchrone (audioconférences, partage de fichier) ont été implantées dans un cours de mathématiques sur Internet développé au Centre collégial de formation à distance. Cet article pose un regard critique sur ces activités, en s'appuyant sur divers écrits dans le domaine de l'apprentissage coopératif ou collaboratif, de la communication en ligne en contexte éducatif ainsi que sur les résultats d'une récente mise à l'essai du cours. Cette analyse permet de dégager un certain nombre de recommandations à l'intention des concepteurs de cours sur Internet. Il ressort notamment que les activités collaboratives semblent répondre davantage que les activités coopératives à la souplesse recherchée dans l'enseignement à distance. Une autre conclusion importante est que les activités synchrones devraient être facultatives. Cependant, les étudiants devraient être fortement encouragés à les planifier et à les gérer eux-mêmes. Il ressort également qu'une formation à l'apprentissage collaboratif et aux méthodes d'enseignement centrées sur l'apprenant devrait être donnée aux concepteurs de cours sur Internet. Pour leur part, les tuteurs devront être formés aux nouveaux rôles qu'ils doivent assumer dans le cadre d'activités collaboratives à distance.

Abstract

Collaborative activities in both asynchronous (teleconferencing, electronic mail) and synchronous (audioconferencing, file sharing) modes were implemented in an Internet-based math course developed by the Centre collégial de formation à distance. This paper takes a critical look at these activities, drawing on research in cooperative/collaborative learning, online communication in an educational environment, and the results of a recent testing of the course. This critical examination resulted in the formulation of a number of recommendations for Internet-based course designers. Because of the need for flexibility in distance education, collaborative rather than co-operative activities were seen as more appropriate. Another conclusion is that synchronous activities should be optional and should be planned and managed by the students themselves as much as possible. It also emerged that Internet-based course designers require training in collaborative learning and in learner-centred teaching. Tutors must also be trained in the new roles that they have to assume in the context of collaborative distance education.

Introduction

Depuis l’avènement des réseaux informatiques et notamment de l’Internet, le développement des technologies de l’information et de la communication (TIC) ouvre de nouvelles possibilités d’interaction entre les apprenants à distance. Les institutions de formation à distance ont rapidement vu dans ces possibilités un moyen de briser l’isolement de leurs étudiants, facteur souvent invoqué pour expliquer le pourcentage élevé d’abandons ou d’échecs. Elles cherchent donc à inclure des activités d’apprentissage collaboratif dans leurs cours, que ce soit lors de la conception de nouveaux cours ou lors de la mise à jour de ceux qu’elles offrent déjà. Ce phénomène nouveau suscite des interrogations quant au design de telles activités dans des situations de formation où les étudiants sont éloignés physiquement.

Depuis quelques années, une importante littérature sur l’apprentissage collaboratif assisté par ordinateur s’est développée. Pour référer à ce phénomène, elle (la littérature) a suggéré le concept de Computer Supported Cooperative Learning (CSCL). Ce concept est dérivé par analogie de celui pré-existant de Computer Supported Cooperative Work (CSCW), qui traite de l’usage des technologies pour assister le travail de groupe en entreprise. Le CSCL inclut tout autant des expériences de communication assistée par ordinateur dans des contextes de formation à distance que des expériences où des élèves travaillent en équipe de deux ou trois autour d’un logiciel éducatif commun dans un même lieu (Casey, 1992 ; Geban, Askar et Özkan, 1992 ; Gorsky et Finegold, 1992 ; Kneedler, 1993 ; Resnick, 1992 ; Roschelle, 1992).

Cette littérature a contribué à démontrer le potentiel des nouvelles technologies de l’information et de la communication pour susciter ou assister la collaboration entre étudiants dans diverses situations d’apprentissage. Cependant, elle demeure encore incomplète pour guider les concepteurs de cours sur Internet dans le design d’activités collaboratives.

L’objectif du présent article est de tenter d’apporter quelques éléments de réponse aux questions que se posent les concepteurs à ce sujet. Pour ce faire, nous rapportons certains résultats d’une mise à l’essai 1 d’un cours comprenant des activités collaboratives diffusé sur Internet et les analysons à la lumière de propositions théoriques portant sur l’apprentissage collaboratif et de constats découlant de diverses expériences d’apprentissage collaboratif assisté par ordinateur rapportées dans la littérature.

Contexte

En tant que partenaire du projet RECTO 2 , le Centre collégial de formation à distance (CCFD) s’est vu confier le mandat de procéder à la réingénierie d’un cours pour l’implanter sur Internet. Ce faisant, le CCFD devait éprouver le potentiel pédagogique d’Internet, notamment en ce qui a trait aux possibilités d’apprentissage collaboratif sur le réseau. L’objectif général était de faciliter l’émergence de modèles d’apprentissage et d’enseignement innovateurs, fondés sur des approches pédagogiques nouvelles.

Pour ce projet, le Centre a retenu le cours de mathématiques 103, portant sur le calcul différentiel et intégral, un cours traditionnel de formation à distance bâti autour d’un manuel de référence et le support téléphonique d’un tuteur. Ce cours compte un nombre élevé d’inscriptions ; cependant, il présente également un nombre élevé d’abandons. Lorsqu’on interroge la clientèle du cours, elle rapporte année après année le sentiment d’isolement qu’elle éprouve dans ce cours et le manque d’interactions avec d’autres apprenants. Ce cours constituait donc une cible tout indiquée pour ce projet de réingénierie pédagogique.

Méthodologie de Réingénierie du Cours

La méthodologie de réingénierie du cours s’est inspirée des modèles classiques de design pédagogique, qui incluent généralement des étapes d’analyse, de design, de développement et d’évaluation, celles-ci n’étant pas nécessairement exécutées de façon strictement linéaire. La réingénierie du cours a été l’oeuvre d’un travail d’équipe. Au cours de ce travail, l’équipe de développement, composée de deux spécialistes de contenu assistés d’un technologue de l’éducation et occasionnellement d’un programmeur et d’un analyste informatique, a testé une grande variété d’outils et de technologies. Comme le recommande Fetterman (1996), les tests techniques se déroulaient intentionnellement dans les conditions se rapprochant le plus possible de la situation d’apprentissage de la clientèle-cible, c’est-à-dire au domicile respectif des membres de l’équipe. La participation des spécialistes de contenu à ces tests leur a permis d’être au fait des possibilités techniques des outils et de pouvoir ainsi en extrapoler le potentiel pédagogique.

Différentes questions ont émergé tout au long du développement du cours sur Internet. Elles ont été exposées notamment à un congrès de l’INET (the Internet Society) tenu à Montréal en 1996 (Chomienne et Potvin, 1996). Ces questions concernent l’organisation de l’environnement offert par le World Wide WEB à l’équipe de développement (technique et pédagogique) (Walther, 1996) et aux apprenants (Stahl, Sumner et Repenning, 1995), ce qui nous a amenés à identifier trois espaces dans cet environnement, à savoir ; un espace de production, un espace de présentation/consultation et un espace de communication. D’autres espaces ont trait aux processus de travail qui ont lieu à l’intérieur d’une équipe de développement multidisciplinaire orientée vers une production commune.

Brève Description du Cours Sur Internet

Au moment de la mise à l’essai, une partie seulement du cours avait été développée sur Internet, soit la partie couvrant les deux premiers chapitres du manuel de référence du cours, portant sur la notion de limite et de continuité ainsi que sur le calcul des limites.

Comme on peut le voir à la figure 1, depuis la page d’accueil du cours, l’étudiant a accès, par le biais de différents icones situés à la gauche de l’écran, à un guide d’étude, à un cahier d’apprentissage, aux outils de communication, à un menu hiérarchique, à une carte de navigation et à une section d’aide. Fait à noter, les outils de communication sont également accessibles à partir des pages HTML présentant les activités. De cette façon, l’usager accède aux outils sans sortir de l’environnement du cours et au moment où il en ressent le besoin. Nous avons ainsi conçu un environnement technologique intégré, car la quantité de logiciels nécessaires pour suivre ce cours risquait de créer une certaine confusion chez l’étudiant quant aux fonctions spécifiques de chacun des outils proposés.

Figure 1: Aggregation curve

Table 1. Page d’accueil du cours

Ces outils servent aux activités collaboratives entre étudiants, de même qu’aux activités d’encadrement par les tuteurs. Dans les deux cas, ils sont utilisés essentiellement pour corriger et commenter des exercices préalablement réalisés individuellement ou encore pour discuter de notions présentées dans les divers documents du cours. Les échanges ont lieu soit lors de communications asynchrones (dans des forums de discussion ou via le courrier électronique), soit lors de communications synchrones en audioconférence, avec ou sans partage de fichiers. Ces communications synchrones sont préprogrammées à des moments précis dans le calendrier du cours.

Méthodologie de la Mise à L’Essai

La mise à l’essai visait à recueillir l’appréciation globale des élèves sur le contenu ainsi que sur les aspects pédagogiques, médiatiques et techniques du cours et à tester la robustesse et la convivialité de l’environnement technique. Elle s’est étendue sur une période de six semaines. Six étudiants volontaires (3 filles et 3 garçons) y ont participé, encadrés par deux tutrices et un dépanneur technique. Les techniques de collecte des données suivantes ont été utilisées :

Analyse critique des activités d’apprentissage collaboratif Pour effectuer une analyse critique des activités collaboratives du cours de mathématiques 103 sur Internet, nous nous sommes demandés comment ce cours se situait par rapport aux positions actuelles ou aux autres expériences dans le domaine sur les neuf aspects suivants :

C’est la réponse que nous avons trouvée à cette question multi-volets qui est présentée dans les prochains paragraphes. Activités coopératives ou collaboratives ?

Pendant longtemps, les termes « collaboratif » et « coopératif » ont été utilisés indifféremment dans les écrits en éducation. Des distinctions ont toutefois été apportées récemment, notamment par Ricciardi-Rigault (1993), Henri et Lundgren-Cayrol (1996) et dans les études rapportées par le Centre for the Study of Classroom Processes (Abrami, Chambers, Poulsen, De Simone, d’Apollonis et Howden, 1996).

L’apprentissage coopératif est généralement défini comme étant une méthode d’enseignement selon laquelle des élèves travaillent ensemble en petites équipes afin d’atteindre un but commun (Slavin, 1985). En nous appuyant sur Salomon (1992), Johnson et Johnson (1984) et Slavin (1985), qui parlent tous trois de coopération ou d’apprentissage coopératif, nous reconnaissons à l’apprentissage coopératif les principales caractéristiques suivantes :

Pour les auteurs qui distinguent l’apprentissage coopératif de l’apprentissage collaboratif, ces caractéristiques s’appliquent dans les deux cas. C’est plutôt dans la manière dont elles sont mises en oeuvre que les distinctions apparaissent. Ainsi, l’interdépendance est plus élevée dans des situations d’apprentissage coopératif : il y a spécialisation des tâches (chaque membre est responsable d’exécuter une sous-tâche) et la contribution des uns n’a de sens que si elle est complétée par celle des autres. Dans les situations d’apprentissage collaboratif, chaque membre est responsable individuellement d’atteindre le but et les apprenants sont encouragés à s’entraider dans leurs efforts et à mettre en commun le fruit de leur travail (Henri et Lundgren-Cayrol, 1996). En outre, comme le soulignent Henri et Lundgren-Cayrol (1996), les situations d’apprentissage coopératif sont davantage contrôlées par le formateur et laissent moins d’autonomie aux apprenants que les situations d’apprentissage collaboratif. Pour ces auteures, ces deux approches se situent sur un continuum, où la démarche collaborative se caractérise par une grande autonomie laissée aux apprenants et un faible contrôle de la part du formateur, tandis que la démarche coopérative se caractérise par une faible autonomie laissée aux apprenants et un fort contrôle exercé par le formateur.

Selon ces distinctions, les activités de groupe proposées dans le cours de mathématiques 103 développé sur Internet correspondent davantage aux critères des activités collaboratives que des activités coopératives. Le but ici est de faire en sorte que chacun des élèves comprenne les concepts du calcul différentiel et intégral. Pour ce faire, les participants sont invités à utiliser la « communauté d’apprentissage » regroupée sur le réseau pour échanger des informations, s’entraider, corriger ensemble leurs exercices et recevoir du feedback et du soutien. Les membres des « groupes » (que ce soit dans les forums de discussion, l’échange de courrier électronique ou les audioconférences avec ou sans partage de fichier) n’ont pas de rôles complémentaires à partager ou de tâches complémentaires à accomplir. L’interdépendance entre les étudiants est donc faible et se définit selon un mode associatif. Selon certains auteurs tels que Ricciardi-Rigault (1993), ces approches conviennent bien à la formation d’adultes à distance puisqu’elles valorisent l’autonomie de l’apprenant et proposent un fonctionnement de groupe relativement souple, caractéristiques particulièrement recherchées par les étudiants en formation à distance.

Les Technologies Utilisés

À ce jour, les technologies utilisées pour l’apprentissage collaboratif assisté par ordinateur sont peu variées. La plupart du temps, il s’agit d’un système de communication assistée par ordinateur (Computer Mediated Communication) (Ahern, Peck et Laycock 1992 ; Batson, 1992 ; Feenberg, 1987, 1989 ; Goodrum et Knuth, 1991 ; Harasim, 1990 ; Hawisher, 1992 ; Henri, 1992 ; Hiltz, 1988 ; Kemp, 1992 ; Kubota, 1991 ; Mason et Kaye, 1990 ; Paulsen, 1993 ; Phillips et Santoro, 1989 ; Ricciardi-Rigault, 1993 ; Rojo, 1991 ; Wells, 1992). Habituellement, la communication est écrite et asynchrone. Lorsqu’elle est synchrone, elle est encore écrite et s’effectue par des fonctions de bavardage (chat rooms). Parfois, le CSCL ne consiste qu’à utiliser un simple système de courrier électronique (D’Souza, 1992 ; Newman, 1990).

Jusqu’à récemment, on relevait donc peu d’expériences d’utilisation de technologies avancées pour l’apprentissage collaboratif, telles que les systèmes de vidéoconférence sur poste de travail autonome, ou encore les logiciels qui permettent le transfert de graphiques, d’images animées, de la voix en direct par Internet, ou le partage d’applications logicielles et de fichiers de travail. Ces technologies ont été peu testées dans des contextes éducatifs en raison de leur coût généralement élevé, du fait qu’elles sont encore peu répandues et à cause de l’insuffisance de la largeur de la bande passante pour acheminer certains types d’informations (son et images animées surtout) dans un délai raisonnable (Collectif, 1993). Aujourd’hui, il apparaît de plus en plus clairement que la combinaison du WEB et de la communication multimédia en direct peut fournir un environnement collaboratif distribué riche (Dix, 1996 ; Dybvik et Lie, 1996). Comme ces outils sont progressivement intégrés au réseau Internet, ils promettent à plus ou moins court terme d’être une ressource peu coûteuse pour le travail collaboratif à distance.

Le développement du cours de mathématiques 103 diffusé sur Internet a été une occasion de mettre à l’essai certains de ces outils. Il ressort que si des outils tels que ceux qui permettent la communication orale via Internet ou encore le partage de fichiers ouvrent de nouvelles possibilités au plan pédagogique, ils peuvent poser plusieurs difficultés d’ordre technique et organisationnel aux étudiants. Par exemple, au cours de la mise à l’essai, des difficultés telles que l’impossibilité d’obtenir le son ou les pertes intermittentes de son ont obligé les étudiants à réagir rapidement, ce qu’ils ont fait en se mettant en mode de conversation par chat. Ce mode, que nous avions d’abord volontairement écarté lors de la conception des activités (car nous pensions qu’il serait trop laborieux pour les élèves), s’est avéré, tout compte fait, un bon substitut aux problèmes techniques de transmission de la voix. Néanmoins, les problèmes de son semblent avoir monopolisé le temps et l’attention des étudiants lors des périodes d’audioconférences, laissant moins de place pour les échanges sur la matière. Par ailleurs, ces communications synchrones imposent des contraintes d’horaires, dont les participants se sont plaints à la fin de l’expérimentation. Pour eux, l’obligation de participer à des audioconférences à des moments précis entrave la souplesse recherchée dans un cours à distance. Aussi, il y aurait lieu d’envisager la possibilité de varier les plages horaires de disponibilité des tuteurs pour des audioconférences synchrones d’une semaine à l’autre afin de permettre à tous les étudiants de se brancher à un moment ou l’autre du cours. Les étudiants ont aussi éprouvé des problèmes d’incompatibilité d’horaires avec les étudiants avec lesquels ils avaient été pairés pour les échanges synchrones avec partage de fichier ; certains d’entre eux n’ont jamais pu faire cet exercice. On peut remédier à ce problème en laissant les étudiants convenir du moment de leurs « rencontres virtuelles » plutôt que de les préprogrammer.

Il faut néanmoins souligner que malgré les difficultés technologiques et organisationnelles rencontrées, les participants ont dans l’ensemble grandement apprécié les diverses possibilités de communication qui leur étaient offertes dans ce cours avec leurs pairs et avec les tutrices. Ils apprécient les activités synchrones, à la condition qu’elles ne soient pas toutes obligatoires.

Les Méthodes D’Enseignement ou d ’Apprentissage

Dans le corpus étudié, six expériences d’apprentissage collaboratif réfèrent explicitement à l’apprentissage par projet (Brothen, 1991 ; D’Souza, 1992 ; Newman, 1992 ; Resnick, 1992 ; Riel, 1992 ; Sullivan, 1993) et huit à la résolution de problèmes et aux études de cas (Geban, Askar et Özkan, 1992 ; Haynes, 1993 ; Kneedler, 1993 ; Koshman, Feltovich, Myers et Barrows, 1992 ; Kubota, 1991 ; Phillips et Santoro, 1989 ; Roschelle, 1992 ; Sullivan, 1993). Les laboratoires de sciences font l’objet de onze études (Casey, 1992 ; Goldman, 1992 ; Gorsky and Finegold, 1992 ; Kneedler, 1993 ; Lehman, Campbell, Halla et Lehman, 1992 ; Newman, 1990, 1992 ; Nott, Riddle et Swart, 1993 ; Roschelle,1992 ; Salomon, 1992 ; Snir, 1988). Henri et Lundgren-Cayrol (1996) identifient, pour leur part, la fouille collective, l’analyse critique, le débat, la prise de décisions et la résolution de problème, comme étant des activités d’apprentissage propices au contexte de télédiscussion. Il semble que ces différentes activités ou méthodes d’enseignement/apprentissage se prêtent bien à la création d’un lien d’interdépendance entre les coéquipiers et qu’elles se marient particulièrement bien à l’utilisation de nouvelles technologies. D’ailleurs, plusieurs auteurs qui avaient étudié l’une ou l’autre forme d’enseignement collaboratif pendant plusieurs années se sont spontanément intéressés aux possibilités des nouvelles technologies de l’information et des communications pour appuyer ce mode d’enseignement. C’est le cas de Barrows (1986), Koschman, et al. (1992), pour l’apprentissage fondé sur la résolution de problèmes en médecine, ou de Sullivan (1993) et de Brothen (1991) pour la méthode des projets.

Toutefois, contrairement aux tendances relevées ou recommandées dans la littérature quant aux méthodes d’enseignement/apprentissage choisies pour mettre en oeuvre une démarche d’apprentissage collaboratif, le cours retenu pour l’expérimentation est axé sur une méthode d’enseignement traditionnelle dans laquelle l’apprentissage est déductif, comme c’est souvent le cas dans un cours de mathématiques donné en présentiel. Pour l’essentiel, la méthode est orientée vers la présentation de concepts, suivie de périodes de mise en application des concepts énoncés et d’exercices individuels qui leur sont directement reliés. Les spécialistes de contenu ont mis un soin particulier à améliorer les documents explicatifs du cours traditionnel à distance, par l’ajout de graphiques animés ou de lectures interactives. Les activités collaboratives ne viennent que soutenir la démarche individuelle de consultation de ces documents. Aucune production commune n’est demandée aux étudiants, comme dans la réalisation d’un projet ou la résolution d’un problème en équipe. Les activités collaboratives se limitent à la télédiscussion libre, au dépannage, à l’échange de processus de résolution de problèmes, au soutien affectif et à la correction, à deux, d’exercices résolus individuellement. Bien que la pertinence de ces activités ne soit pas remise en question, force est de constater que la méthode d’enseignement qui les encadre ici n’offre pas toutes les conditions propices à une véritable démarche de co-construction des connaissances.

La conception d’activités collaboratives à distance ne va pas de soi, pour qui est habitué à l’enseignement selon des méthodes traditionnelles, que ce soit en présentiel ou dans des cours par correspondance. Certains auteurs ont étudié de façon spécifique l’attitude des enseignants face à une innovation telle qu’un environnement d’apprentissage collaboratif assisté par ordinateur (Hiltz,1988 ; Moran et Klem, 1992). L’une de leurs conclusions est que les enseignants (concepteurs et tuteurs) doivent adopter une pédagogie centrée sur l’apprenant et être formés à la planification d’activités adaptées à l’environnement d’apprentissage intégrant les nouvelles technologies de l’information et des communications (Chomienne, 1993 ; Davis, 1992 ; Moran et Klem, 1992).

Le type d’apprentissage visé dans les activités collaboratives Pour plusieurs auteurs, dont Harasim (1990), Hiltz (1988), Hooper et Hannafin (1991), les activités d’apprentissage collaboratif intégrant les nouvelles technologies (particulièrement la téléconférence assistée par ordinateur) conviennent bien à des activités mettant en oeuvre des processus mentaux d’ordre supérieur comme l’élaboration d’un essai (Feenberg, 1987), l’inférence de lois scientifiques à l’aide de simulations en sciences (Goldman, 1992) ou l’analyse critique de textes (Goodrum et Knuth, 1991).

Le cours de mathématiques 103 semblait, selon ces critères, un bon candidat à une situation d’apprentissage collaboratif assisté par ordinateur, puisqu’il vise le développement d’habiletés de raisonnement mathématique de haut niveau intellectuel. Cependant, les activités collaboratives qui ont été conçues ne sont sans doute pas toutes optimalement adaptées à cette fin. Comme on l’a vu, elles ont été orientées vers la simple mise en commun de stratégies d’application de concepts précédemment acquis individuellement par consultation de documents explicatifs.

C’est l’activité de communication synchrone en équipe de deux personnes, avec visualisation d’un même fichier et alternance du contrôle de l’outil, qui est peut-être la plus valable ici car elle permet aux participants de confronter directement leurs stratégies de raisonnement. Le potentiel de ce type d’activités pour favoriser le développement d’habiletés de haut niveau intellectuel a été jusqu’à maintenant peu évoqué dans les écrits portant sur l’apprentissage collaboratif à distance.

Le Rôle de L’Enseignant

Dans les démarches d’apprentissage collaboratif ou coopératif, le rôle fondamental de l’enseignant (ou du tuteur) est celui de facilitateur : il doit offrir un soutien à la démarche d’apprentissage sur une base individuelle et collective (Ricciardi-Rigault, 1993). Henri et Lundgren-Cayrol (1996) identifient, pour leur part, quatre rôles distincts que le tuteur exerce dans les télédiscussions, soit les rôles de modérateur, facilitateur, animateur et évaluateur. Le modérateur fournit la structure de la matière, suggère des stratégies cognitives, propose des méthodes de travail, établit des liens entre les idées ou les concepts et sert de modèle de collaboration. Le facilitateur stimule la recherche d’informations, soutient et encourage l’élaboration des connaissances, clarifie le contenu, etc. L’animateur voit au bon fonctionnement du groupe, stimule la réflexion, la rétroaction, etc. Enfin, l’évaluateur évalue et surveille le processus et le climat du groupe, spécifie les modalités d’évaluation, fait l’évaluation des apprentissages, etc.

Selon Berge (1996), les rôles de l’enseignant dans les téléconférences se manifestent dans quatre domaines :

Certains auteurs relèvent également par ailleurs le rôle de l’enseignant dans le domaine affectif. Par exemple, il doit chercher à diminuer l’anxiété que peut occasionner le manque de contact direct entre pairs (Feenberg, 1987). Le modérateur/tuteur des activités collaboratives dans un environnement assisté des technologies de l’information et des communications, tout comme l’enseignant qui supervise des activités collaboratives en classe, doit donc posséder des qualités particulières de gestion de travail de groupe, « d’hôte social et d’animateur de rencontres » (Hiltz et Turoff, cités dans Feenberg, 1987). Gray et O’Grady (1993) insistent également sur l’importance de confier le téléenseignement à des enseignants ayant de bonnes habiletés d’organisation, puisque parfois ils ont aussi pour rôle d’assurer la gestion du système technique.

Les tuteurs du CCFD sont majoritairement des enseignants de collèges ; bien souvent, ils ont eux-mêmes conçu le cours en formation à distance. Cette situation était celle du cours de mathématiques 103, tant dans sa version écrite que dans sa version diffusée sur Internet. Les tutrices semblent avoir adopté spontanément les différents rôles proposés par Henri et Lundgren-Cayrol (1996). Par exemple, en tant que modératrices, elles ont suggéré aux étudiants des démarches d’apprentissage différentes selon les difficultés qu’ils rencontraient. En tant que facilitatrices, elles ont eu à l’occasion pour rôle de corriger les exercices d’un étudiant en partage de fichier et de lui apporter certaines clarifications au besoin. En tant qu’animatrices, les tutrices surveillaient notamment le contenu des questions adressées sur la matière en demandant aux élèves qui les avaient posées de clarifier celles qui étaient imprécises et de les reformuler si nécessaire. Les tutrices pouvaient également renvoyer au groupe les questions leur étant adressées spécifiquement par un participant en incitant chacun à y répondre. Toutefois, elles n’ont pas effectué d’activités spécifiques pour évaluer ou favoriser la cohésion et la productivité du groupe. En tant qu’évaluatrices, elles étaient responsables d’évaluer le devoir-synthèse noté que les étudiants avaient à effectuer à la fin des deux modules.

Les tutrices ont elles-mêmes souligné en entrevue le changement de rôle qu’elles ont dû assumer par rapport à celui qu’elles adoptent généralement dans un cours à distance traditionnel. Elles font référence notamment aux nouvelles tâches d’animation et d’organisation qui leur sont apparues non négligeables. En fait, selon elles, le tuteur dans un tel cours est davantage actif qu’un tuteur dans les cours à distance traditionnels et tout aussi actif que dans un contexte de classe.

Il importe de reconnaître qu’un cours incluant des activités collaboratives à distance exige de la part des tuteurs une disponibilité peu commune. Dans l’expérimentation, les élèves pouvaient poser des questions en tout temps et étaient assurés d’obtenir une réponse, ou tout au moins une réaction dans les quarante-huit heures. Et rappelons que la mise à l’essai ne comptait que six participants pour deux tutrices et un dépanneur technique! Il est certain que la nouveauté de l’environnement technologique et des processus utilisés ont compté dans la charge de travail. Il n’en reste pas moins qu’un tel cours diffusé sur Internet et incluant des téléconférences, audioconférences et sessions de partage de fichiers, demande un suivi pratiquement quotidien de la part des tutrices. Une telle situation pourrait éventuellement obliger le CCFD à réviser l’ensemble de ses processus de fonctionnement. Il faut se demander notamment comment assurer l’efficacité d’une telle pratique de tutorat avec des groupes plus importants. Là se confirme le discours qui veut que l’introduction des technologies de l’information et de la communication dans une organisation devrait être accompagnée d’une réingénierie de tous les processus de travail de cette organisation (Rocheleau et Basque, 1996).

Le Degré d ’Engagement des Étudiants dans les Activités Collaboratives

À la suite d’expériences de téléconférences asynchrones textuelles effectuées à la Télé-université, Ricciardi-Rigault (1993) rapporte que ces échanges favorisent une plus grande liberté d’expression et plus de spontanéité, compte tenu du peu de pressions sociales découlant de l’absence physique des personnes. Toutefois, Henri et Lundgren-Cayrol (1996) rapportent que l’absence de présence sociale peut, au contraire, freiner la participation et l’engagement parce que les participants n’arrivent pas à percevoir s’ils sont acceptés par le groupe ni à savoir quelle position ils occupent au sein du groupe. L’absence de pression sociale peut aussi encourager l’individualisme.

Dans le projet du CCFD, les étudiants ont démontré leur engagement et leur implication par leur présence virtuelle à presque toutes les soirées d’audioconférence et de disponibilité des tutrices pour encadrement par téléphone sur Internet, bien que ce ne soit pas tous les participants à la fois qui étaient présents.

Les messages dans les forums de discussion qui auraient dû traduire l’engagement des étudiants n’ont pas été aussi nombreux que souhaités. Il faut noter que le technicien a éprouvé des difficultés avec l’installation du ystème de forums électroniques, qui n’a été fonctionnel chez tous les étudiants qu’à la troisième semaine de la mise à l’essai. La consultation des forums se fait beaucoup plus fréquemment que les interventions dans les forums et certains étudiants ne sont à peu près pas intervenus dans ces lieux d’échanges, ce qui montre un engagement mitigé de leur part et confirme l’importance d’une animation plus serrée afin de susciter la participation de tous les étudiants. La courte durée de la mise à l’essai est aussi un facteur à considérer. Comme l’ont signalé presque tous les élèves, leur participation dans les forums de discussion, et particulièrement celui qui portait sur la matière, aurait été plus grande si la mise à l’essai s’était poursuivie, car le niveau de difficulté de la matière augmentant, le besoin d’aide aurait été plus grand. Ceci démontre que les télédiscussions libres doivent répondre à un besoin réel d’échanges ressenti par les étudiants et qu’il ne sert à rien de forcer artificiellement la communication lorsqu’elle n’est pas motivée.

Par ailleurs, la personnalisation de la communication et l’intimité du courrier électronique font qu’il s’est avéré un outil important autant dans les fonctions d’enseignement/apprentissage que dans les fonctions sociales et de soutien affectif. En effet, le courrier électronique est le canal de communication qui a été le plus utilisé, autant d’étudiant à étudiant que des étudiants aux tutrices et au dépanneur technique.

Autre fait intéressant à noter ; plutôt que de s’en tenir uniquement à la correction commune de ces exercices tel que prévu dans le cours, deux élèves ont spontanément utilisé le système de partage de fichier à plusieurs reprises pour résoudre ensemble les exercices du cours. De leur point de vue, les discussions qu’elles ont eues lors de ces activités ont permis de renforcer significativement leur compréhension des notions du cours. Aussi, il peut être intéressant d’encourager l’élaboration spontanée de certaines activités collaboratives par les étudiants eux-mêmes.

La Composition des Équipes de Travail

La composition de l’équipe (Hooper et Hannafin,1988, 1991) et le nombre de participants dans un groupe sont des thèmes propres aux méthodes d’apprentissage collaboratif et que certains auteurs ont étudiés dans des expériences avec les technologies de l’information et des communications. Comme le soulignent Henri et Lundgren-Cayrol (1996), les techniques utilisées pour regrouper les étudiants exercent un effet sur le type et l’ampleur de l’interdépendance à l’intérieur des groupes. Le formateur peut soit regrouper les étudiants au hasard, soit selon les affinités de chacun ou encore en fonction des compétences de chacun. Il peut aussi laisser aux étudiants le soin de se regrouper entre eux. Il s’agit là toutefois d’une étape qui requiert une organisation rigoureuse, si l’on souhaite démarrer rapidement le véritable travail d’équipe.

Les recherches sur l’apprentissage collaboratif tendent à indiquer que tant les regroupements homogènes qu’hétérogènes en termes d’habiletés des étudiants dans la discipline concernée peuvent être utilisés efficacement mais que ce sont les regroupements hétérogènes qui conduisent à plus d’effets bénéfiques sur l’apprentissage (Johnson et Johnson, 1996). Hooper et Hannafin (1991) ont trouvé, pour leur part, que dans un environnement de travail coopératif basé sur l’ordinateur, les élèves faibles sont ceux qui profitent le plus d’un groupement hétérogène.

En ce qui a trait au nombre de participants, certains auteurs recommandent que les téléconférences de discussion regroupent au moins quinze personnes afin d’assurer une masse critique de messages, alors que, pour les téléconférences visant la réalisation commune d’un projet, les groupes devraient être de petite taille (Ricciardi-Rigault, 1993). Dans le cas de l’expérience du CCFD, notons d’abord que le nombre de participants était limité (six étudiants au total), ce qui pourrait expliquer en partie la faible quantité de messages dans les forums de discussion si l’on en croit Ricciardi-Rigault. Selon leur propre évaluation de leur compétence en mathématiques, les étudiants formaient un groupe plutôt homogène. Ils se sont tous déclarés dans la moyenne ou au-dessus de la moyenne avant le début de la mise à l’essai. Ce n’est toutefois pas le cas de l’ensemble de la population du cours de mathématiques 103 à distance, qui comprend aussi bien des élèves de CEGEP qui suivent une formation d’ordre collégial initiale que des adultes en recyclage.

Pour les séances de partage de fichier, les tutrices avaient décidé de pairer elles-mêmes les étudiants. Le hasard a fait qu’une élève plus faible en mathématiques et également peu familière avec les ordinateurs s’est retrouvée avec une étudiante performante dans la discipline et relativement à l’aise avec les technologies. Elles ont reconnu mutuelle-ment que leur interaction leur avait été bénéfique, tant sur le plan de l’acquisition de connaissances en mathématiques que sur le plan social et affectif. Pour d’autres étudiants, le pairage fut moins heureux du fait qu’ils rencontraient d’importants problèmes d’incompatibilité d’horaire. Tel que déjà mentionné, ce point est donc à considérer lors de la conception d’activités collaboratives synchrones.

La Valeur Sociale des Activités Collaboratives

Plusieurs auteurs, entre autres Gray et O’Grady (1993), Riel (1992) et Rojo (1991), mettent en évidence l’importance de l’aspect social dans les expériences d’apprentissage collaboratif assisté par les technologies de l’information et des communications. Rojo (1991) rapporte que, dans une téléconférence assistée par ordinateur s’étant déroulée à l’Ontario Institute of Science Education (OISE), les usagers ont surtout utilisé le système pour s’envoyer des messages à caractère social. Riel (1992) fait valoir l’avantage de l’utilisation d’un réseau de AT&T dans la formation des enseignants, notamment pour augmenter leur estime personnelle et améliorer leurs relations professionnelles avec leurs pairs. Gray et O’Grady (1993) font remarquer que se développe une meilleure compréhension entre professeurs et élèves. L’utilisation des nouvelles technologies de l’information pour l’apprentissage collaboratif favoriserait également le développement du sens de l’appartenance à une communauté (Goldman, 1992 ; Gray et O’Grady, 1993 ; LeBlanc, 1992).

Bien que les participants à la mise à l’essai du cours de mathématiques 103 venaient de programmes et d’établissements différents, ils se sont rapidement sentis comme faisant partie d’un même groupe. Parmi les forums disponibles dans le cours de mathématiques 103 sur Internet, c’est le forum d’échanges à caractère social qui a été le plus utilisé. Trois étudiants ont déploré la courte durée de la mise à l’essai car leur expérience de ce canal d’échanges a stimulé chez eux un désir de mieux connaître leurs pairs. Par ailleurs, il est intéressant de noter que, pour un étudiant, l’un des avantages de la communication à distance est qu´ « il n’y a pas de préjugés parce que tu ne vois pas les gens » de sorte que les coéquipiers peuvent se concentrer uniquement sur le contenu des échanges. L’importance de la valeur sociale et affective des activités d’apprentissage collaboratif est donc confirmée dans cette expérimentation.

L’Évaluation Des Étudiants

Aucune expérience, dans celles que nous avons relevées, n’a soulevé directement le problème de l’interdépendance des étudiants lorsqu’il s’agit d’évaluer les apprentissages. Certains auteurs tels que Brothen (1991) et D’Souza (1992) ont étudié la diffusion et l’administration de tests via un système de courrier électronique ou un système de mise en réseau des étudiants. Cependant, ce mode d’évaluation était toujours individuel. Quant à Mason (1993), elle rapporte les résultats de trois expériences mises en place pour analyser trois modes d’évaluation des étudiants à partir de leur travail dans un système de téléconférences. Ses conclusions générales sont que le fait de demander aux étudiants de faire leurs travaux sur le système n’entraîne pas forcément une utilisation continue du système ; qu’il faut planifier l’évaluation via le système en relation avec les autres stratégies d’évaluation et que la majorité des étudiants et des tuteurs acceptent le caractère obligatoire des travaux via le système. Mason (1993) ajoute que certains sont même très enthousiastes.

Dans le cadre du cours de mathématiques 103 expérimenté sur Internet, les activités collaboratives n’étaient pas notées et seul un devoir-synthèse individuel était demandé aux étudiants. Il n’y avait donc pas d’interdépendance sur ce plan. Cependant, il semble souhaitable de soumettre les activités collaboratives à l’évaluation sommative, ne serait-ce que pour un minime pourcentage de la note globale. Cela permet de souligner toute l’importance accordée à la co-construction des connaissances par le concepteur du cours.

Il pourrait être intéressant d’explorer diverses formes d’évaluation des travaux collectifs bien que la plupart du temps, les institutions d’enseignement imposent certaines contraintes à cet égard. Quoi qu’il en soit, il est généralement recommandé d’évaluer les contributions personnelles de chacun dans les travaux d’équipe (Slavin,1985).

Conclusion : Quelques Recommandations Pour la Conception D’Activités D’Apprentissage Collaboratif Sur Internet

Certains participants ont rapporté que les activités collaboratives contribuent à créer un environnement d’apprentissage comparable à celui en classe à plusieurs points de vue, notamment la présence d’un groupe d’appartenance et la disponibilité d’un professeur. Pour une autre étudiante déjà familière avec la formation à distance, la formule du cours sur Internet est de beaucoup supérieure à celle par correspondance et permet un échange avec d’autres étudiants comparable au cours en classe. Les tutrices ont également eu cette impression : pour elles, les outils de communication offerts dans l’environnement du cours leur permettaient de retrouver la dynamique d’une classe, ce qu’elles n’avaient jamais senti en tant que tutrices dans les cours plus traditionnels du CCFD. Ces constatations renforcent les institutions dans leur hypothèse que les technologies offrent maintenant des possibilités de communication qui vont aider les étudiants à sortir de leur isolement. Cependant, la mise à l’essai du cours de mathématiques 103 sur Internet au CCFD a permis de mettre en évidence l’importance de planifier avec soin les activités collaboratives à distance. Plus spécifiquement, l’analyse critique des activités collaboratives du cours nous a permis de tirer quelques leçons quant au design d’activités collaboratives utilisant le réseau Internet. Ce sont ces enseignements dont on a fait état tout au long du présent article, que l’on retrouve ci-après résumés sous forme de réponses à des questions que les concepteurs de cours sur Internet pourraient se poser.

Doit-on développer des activités collaboratives ou des activités coopératives ?

Comment tirer le meilleur parti des technologies utilisées ?

Comment garder à la formation à distance toute sa flexibilité ?

Quelle(s) méthode(s) d’enseignement/apprentissage doit-on favoriser ?

Quels types d’apprentissage doit-on viser ?

Quelles sont les implications des activités collaboratives pour le formateur (ou le tuteur) ?

Comment s’assurer de l’engagement des étudiants ?

Comment regrouper les étudiants lors des activités collaboratives ?

Quelle place donner aux échanges d’ordre social ?

Quelles sont les implications des activités collaboratives pour l’évaluation des apprentissages ?

Correspondence To:

Martine Chomienne
^M Centre collégial de formation à distance
^M 7100, Jean-Talon Est, 7 e étage
^M Montréal, Québec H1M 3S3

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Endnotes

1. Les résultats complets de cette mise à l'essai sont présentés dans un rapport interne du CCFD, rédigé par Sonia Rioux et Josianne Basque.

2. Le projet RECTO est un projet subventionné par le Fonds de l'autoroute de l'information du Québec. L'objectif général de ce projet est de développer sur Internet des contenus de téléformation en français. Les partenaires du projet sont nombreux, entre autres la Télé-université, Novasys et Bell Québec. Ce projet est en cours depuis l'automne 1995 et se poursuivra jusqu'en juin 1998.


Martine Chomienne est responsable de projets au Centre collégial de formation à distance et chercheure au Centre de recherche LICEF de la Télé-université. Elle détient un doctorat en éducation de l’Université Concordia. Depuis les années 70, elle oeuvre dans le domaine de l’intégration des technologies informatiques en milieu scolaire.

Josianne Basque oeuvre, depuis le début des années 1980, dans le domaine de l’intégration des technologies informatiques à la pédagogie. Elle est actuellement professeure à la Télé-université et chercheure associée au Centre de recherche LICEF. Elle détient une maîtrise en Technologie éducationnelle de l’Université de Montréal et un doctorat en Psychologie de l’Université du Québec à Montréal.

Sonia Rioux est détentrice d’une formation de deuxième cycle en psychologie. Depuis cinq ans, elle est consultante indépendante en recherche qualitative auprès des clientèles cibles, notamment pour le secteur de la télévision. Poursuivant une maîtrise en technologie éducationnelle, elle se spécialise actuellement en évaluation de documents éducatifs multimédia.

ISSN: 0830-0445