Sur la Satisfaction des Etudiants dans un Contexte de Formation à Distance: La Télé-université

 

Jeanpierre Masson


VOL. 3, No. 2, 37-54

Résumé

Comment expliquer que des étudiants inscrits à une institution de formation à distance ne se réinscrivent pas à un second cours ou même abandonnent le premier cours qu'ils suivent quand ces mêmes étudiants se déclarent satisfaits du cours offert, du matériel pédagogique proposé? Faut-il croire que la réin- scription d'un étudiant n'est en rien reliée à son degré de satisfaction? Ou faut-il remettre en question les enquêtes portant sur la satisfaction des étudiants? L'auteur propose une réflexion sur le concept de satisfaction et formule diverses hypothèses permettant de comprendre un comportement qu'à première vue, certains pourraient qualifier d'aberrant. Il suggère aussi une nouvelle approche à l'évaluation de la satisfaction des étudiants.

Abstract

Why is it that students enrolled at a distance education institution do not register for a second course and even withdraw from the first course they are taking, even though they declare themselves satisfied with the course offered and with the proposed pedagogical material? Must we conclude that reregistering of students has nothing to do with their degree of satisfaction? Or should we reconsider our surveys concerning students' satisfaction? The author suggests taking a second look at the concept of satisfaction, and he devises various hypotheses allowing one to understand a behavior pattern which at first glance appears aberrant. He also suggests a new approach to the evaluation of students' satisfaction.

Nous allons dans ce document procéder à une exploration de la problématique relative à la satisfaction des étudiants dans un contexte de formation à distance, celui de la Télé-université. Il s'agira plus précisément de la satisfaction des étudiants face aux activités pédagogiques de la Télé-université. La notion de "satisfaction" sera l'élément central de notre propos. Des notions telles que "qualité des cours," "efficacité des activités pédagogiques," "motivation," et ainsi de suite, ne seront qu'abordées indirectement, quand elles le seront. La démarche que nous entreprenons consiste en quelque sorte à nous déplacer autour de la notion de "satisfaction" afin d'en percevoir les diverses facettes.

Tout d'abord, qu'est-ce que la satisfaction? Définissons-la pour l'instant en termes généraux. Le Petit Robert nous propose la définition suivante: "sentiment de bien-être; plaisir qui résulte de l'accomplissement de ce qu'on attend, désire, ou simplement d'une chose souhaitable." Il relie le terme satisfaction à des termes tels que contentement, joie, plaisir, assouvissement. Il définit: "satisfait" comme suit: "qui a ce qu'il veut, ...qui est assouvi, réalisé. Besoins, désirs satisfaits."

Et comment se pose la problématique de la satisfaction des étudiants à la Télé-université? Une manière parmi d'autres de répondre à cette question est de consulter le rapport de recherche présenté par Francine Landry et Marie O'Neill en février 1983. Ce rapport pose la problématique en termes fort concrets.

Rapport d'enquête de Francine Landry et Marie O'Neill

Une enquête a été menée auprès de 100 étudiants qui se sont inscrits à un seul cours à la Télé- université. De ces 100 étudiants, 47 ont abandonné le cours auquel ils étaient inscrits. Or, sur ces 100 étudiants non-réinscrits à la Télé-université, 88% se disent globalement satifaits de leur cours. Cela implique qu'au moins 35 étudiants sur 100 ont à la fois abandonné le cours et déclaré qu'ils étaient satisfaits du cours. Le cours suivi répondait à leurs besoins (86%); les documents étaient jugés très intéressants (72%); les documents étaient évalués comme faciles à lire (87%). Et pourtant aucune de ces personnes ne s'est réinscrite à la Télé-université! Plus même, 47% ont abandonné ce cours déclaré si satisfaisant. Plus encore, six mois plus tard, 31% étaient réinscrits dans une autre institution. Faut-il croire que la satisfaction que procure un produit n'est en rien reliée à sa consommation? Répondre par l'affirmative nous obligerait à modifier bien des croyances et surtout bien des affirmations scientifiques.

La première explication qui nous viendra sans doute à l'esprit sera que ce n'est pas le cours en lui- même qui cause la non-réinscription ou l'abandon mais bien plutôt la formule d'enseignement à distance. Cette explication se voit partiellement réfutée par les données de l'enquête: 59 des 100 étudiants s'étaient inscrits à la Télé-université afin de pouvoir travailler à la maison et 10% pour travailler à leur rythme. Les autres s'étaient inscrits à la Téluniversité par intérêt pour les cours offerts par l'institution (26%), parce que l'institution leur a été recommandée par quelqu'un (18%).

Qu'Est-Ce Donc Qu'Un Etudiant Satisfait?

L'étudiant satisfait est-il celui qui coche la réponse "satisfait" sur un questionnaire de satisfaction? A ce sujet, certains psychologues ont renoncé à l'utilisation des tests d'attitude en raison des trop fréquentes contradictions entre les réponses verbales et les comportements des répondants (H. Schuman, 1972). Il semble bien que l'on ait affaire à une telle contradiction dans le rapport de recherche auquel nous avons précédemment référé. Verbalement, les 100 étudiants se sont déclarés satisfaits. Sur le plan comportemental, les 100 étudiants ne se sont pas réinscrits et une grande proportion ont même abandonné le cours auquel ils étaient inscrits. Mais doit-on considérer la non-réinscription et l'abandon à un cours comme des comportements signifiant une insatisfaction? La compilation de réponses verbales positives de satisfaction peut certes servir des fins politiques ou publicitaires mais peutelle servir de base à une explication relative à une baisse de clientèle, à des décisions d'ordre pédagogique, à une évaluation de la qualité du produit téluniversité? Ou doit-on croire que les étudiants sont insatisfaits quand ils se disent insatisfaits mais qu'ils ne sont pas nécessairement satisfaits quand ils se disent satisfaits?

Plaisir et Satisfaction

Quels liens existe-t-il entre plaisir et satisfaction? Quand, dans un questionnaire, on demande à l'étudiant son degré de satisfaction quant aux textes, aux activités , aux exercices, aux ateliers proposés, sur quelles bases établit-il sa réponse? Pour lui, la satisfaction est-elle synonyme d'intérêt, de plaisir, d'aisance, de facilité, d'agrément ou bien la satisfaction est-elle synonyme d'efficacité, de pertinence, d'atteinte de l'objectif poursuivi, et ce malgré l'effort à fournir, la difficulté à comprendre, l'énergie à investir, et ainsi de suite?

Comment satisfaire l'étudiant? En lui proposant un cours facile, agréable et confortable! En lui proposant un cours exigeant, dense et difficile! A quoi en somme ressemblerait un cours qui répondrait pleinement aux attentes de l'étudiant? Avons-nous atteint cet idéal quand 88% des étudiants déclarent qu'un cours a répondu à leurs attentes? (Rappelons qu'il s'agit ici d'étudiants ne s'étant pas réinscrits à un second cours). Et pourquoi, devant une telle statistique, s'interroger encore sur la qualité de nos cours?

Les Besoins du Point de Vue de la Psychologie

Nous ne pouvons parler de satisfaction sans parler de besoins. La littérature scientifique associe étroitement ces deux termes comme les deux pôles d'un phénomène physiologique et psychologique. Il existe plusieurs approches ou théories des besoins. Nous présenterons celle qui est la plus couramment utilisée en technologie éducative et plus particulièrement en analyse de besoins.

Selon cette approche, un besoin se définit comme l'écart entre une situation actuelle et une situation désirée. Une telle définition, si elle n'était explicitée, laisserait croire qu'on puisse aisément procéder à une mesure directe et objective des besoins ou qu'un individu puisse rendre objectivement compte de la grandeur de son ou ses besoins. Penser ainsi ferait montre d'une méconnaissance certaine de l'humain.

Redéfinissons la notion de besoin dans une perspective plus "humaine." Le besoin est l'écart entre la perception d'une situation actuelle (perception d'entrée) et la perception d'une situation désirée (perception de référence) (voir Glasser, 1982; et Masson, 1984). Cette perception est dépendante d'un ensemble de facteurs tels l'éducation, l'expérience, l'état de satisfaction ou de frustration générale, les croyances, les illusions, les systèmes de valeur, les besoins à plus longs termes ou momentanément plus importants, et ainsi de suite. De plus, le choix du moyen pris pour réduire cet écart, c'est-à-dire pour obtenir satisfaction au besoin, est aussi conditionné par une multitude de facteurs. Dans cette perspective, on peut même satisfaire illusoirement un besoin.

Sachons aussi qu'un besoin n'est pas perçu directement. Il est déduit d'un ensemble de sensations, d'émotions ou d'idées. On ne ressent pas directement "la faim": à partir de la perception interne d'un ensemble de stimuli physiologiques, on déclare avoir faim.

Mais il peut y avoir erreur sur la conclusion. Certaines personnes, à partir de sensations d'anxiété ou de tension, déclarent avoir faim et produisent des comportements visant la nutrition, alors qu'objectivement, leur organisme n'avait nul besoin de nourriture. C'est le cas de certaines personnes obèses qui doivent alors entreprendre une rééducation sur leur perception de la "faim." De la même manière, certains interpréteront leur désintérêt pour l'emploi qu'ils occupent comme un besoin de meilleur salaire, de meilleures conditions de travail alors que le véritable besoin serait peut-être une nouvelle orientation professionnelle. De telles erreurs dans l'identification d'un besoin de scolarisation, de diplômation ou de perfectionnement ne sont certes pas sans se produire. Que faut-il comprendre au fait qu'un étudiant déclare qu'il est satisfait du cours qu'il suit et qu'en même temps il abandonne ce cours? Quel écart a-t-il comblé, réduit? Quelle était la perception d'entrée? Quelle est la perception de référence? Ou bien, comment comprend-il la question "êtes-vous satisfait de"? Répond-il par complaisance? Donne-t-il la réponse qu'il juge attendue? Veut-il être bien vu?

Quelle Est la Vraie Question?

Un étudiant dit qu'il est satisfait du cours suivi. Pourquoi ne pas le croire? A partir de l'enquête menée par Francine Landry et Marie O'Neill, l'institution pourrait déclarer que même les étudiants qui abandonnent ses cours sont satisfaits de ces mêmes cours. Ceux qui ne se réinscrivent pas

sont, eux aussi, satisfaits de ces cours. Et ceux qui se réinscrivent sont sans aucun doute satisfaits puisque justement, ils se réinscrivent. Il n'y a aucun problème et tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes. Il n'y aurait alors que l'institution qui sort insatisfaite! Quelles sont donc, à cette institution, ses perceptions d'entrée et ses perceptions de référence? Quels sont donc ses besoins à elle?

Si on veut étudier la problématique relative à la satisfaction des étudiants, c'est sans doute qu'obtenir des réponses de satisfaction à des questionnaires écrits ou téléphoniques ne nous satisfait pas quand, d'autre part, nous rencontrons des difficultés sérieuses vis-à-vis le maintien et le recrutement de nos clientèles. En somme, nous posons la question de la définition opérationnelle de la satisfaction. Plus même, nous posons la question de l'importance à donner à la satisfaction des étudiants. Qu'est-ce qu'un étudiant satisfait et pourquoi veut-on que les étudiants soient satisfaits?

Il est permis de postuler que le vrai problème à débattre n'est pas une satisfaction manifestée verbalement (à l'oral ou à l'écrit) par des étudiants mais le maintien et le recrutement de la clientèle. Une grande proportion de nos étudiants seraient insatisfaits puisqu'ils ne se réinscrivent pas ou même parfois abandonnent dans des proportions significatives. Que doit-on alors faire pour maintenir nos clientèles? Et la réponse doit être encore cherchée du côté des étudiants: quelles activités pédagogiques ou quels types d'activités pédagogiques devront leur être présentés pour qu'ils se réinscrivent?

A quoi ressemblerait donc un cours qu'aucun étudiant n'abandonnerait et qui assurerait 100% de réinscription?

Certes pas le cours répondant à tous les besoins puisque pourquoi se réinscrire si tous nos besoins sont satisfaits. Alors, serait-ce un cours incomplet! De toute manière, il faudrait que ce cours soit ou bien insatisfaisant d'une certaine façon ou bien crée un nouveau besoin, ce qui est justement la philosophie de nombreuses maisons de publicité. Il est possible de contourner la question de la qualité des cours et la notion de besoin en élaborant des structures qui rendent la clientèle captive.

Un Phénomène de Projection

Rapportons l'expérience qui, si nous nous fions aux notes de cours de l'un de nos professeurs en évaluation, aurait été vécue par un constructeur d'automobiles. Cette expérience a peut-être quelque chose à nous enseigner. Selon ce professeur, il y a une vingtaine d'années, un constructeur d'automobiles a fait une enquête auprès des automobilistes pour savoir quelles seraient les caractéristiques de la voiture qu'ils jugeraient idéale, celle en somme qu'ils achèteraient si elle était disponsible sur le marché. En quelque sorte, ce constructeur demandait aux automobilistes de définir la situation désirée. A partir de ces données, il a construit sa voiture. Ce fut le fiasco financier. Elle s'est très peu vendue et on a dû arrêter sa production. Des spécialistes en analyse de besoins ont réfléchi sur l'expérience vécue et ont repris l'enquête sous une forme différente. Ils ont demandé aux automobilistes quelles seraient les caractéristiques de la voiture qui conviendrait le mieux à leur voisin. Les données recueillies ont amené la construction d'une voiture qui fut un succès financier remarquable. Les ventes ont dépassé tous les espoirs.

La psychologie expliquera un tel fait en termes de projection. L'individu projette sur l'autre ses propres désirs, ses propres besoins. Et ces projections traduisent souvent mieux la réalité que la description par l'individu de ses propres désirs, de ses propres besoins, ceux-ci étant souvent biaisés par l'image idéale de lui-même que l'individu entretient. Un tel fait est con-forme à l'affirmation que nous avions précédemment faite, à savoir que le besoin traduit l'écart entre la perception d'une situation actuelle et la per-ception d'une situation désirée plutôt que l'écart objectif entre situation actuelle et situation désirée.

La Besace D'Esope

Le principe de la besace d'Esope est un procédé introduit en psychologie par Nicolas Dracoulidès en 1949. Nous nous souviendrons de cette fable qui nous enseigne que tout homme porte une besace sur son épaule: dans la poche qui se trouve devant lui, il met ses propres qualités et les défauts d'autrui; dans celle qui pend par-derrière, il fait l'inverse. Ce principe a été appliqué de diverses façons en psychologie. Nous retiendrons ici celle qui s'applique à notre propos et que l'on nomme "le déplacement libérateur."

Considérons la situation suivante: un adulte ayant abandonné les études depuis un certain nombre d'années s'inscrit à un cours de la Télé-université. Il reçoit les documents imprimés du cours et se met à l'étude. Il rencontre de sérieuses difficultés de compréhension. Ces documents sont bien présentés, bien imprimés et lui paraissent fort bien écrits. Il ne lui vient pas à l'idée d'interroger la valeur pédagogique des documents. D'ailleurs ces documents sont rédigés par des experts; comment mettre en doute une telle expertise? Est-ce qu'il ne serait pas suffisamment intelligent pour suivre des cours universitaires? Fort difficile à admettre pour un individu qui suit justement des cours pour obtenir, entre autres choses, une revalorisation de lui-même. Ce n'est pas le genre de chose à mettre dans sa poche d'en avant. Et même s'il l'admettait, ce n'est pas le genre de chose que l'on avoue facilement à d'autres, même si c'était par l'intermédiaire d'un questionnaire. Alors, pour justifier son abandon ou sa non-réinscription, il invoque les justifications suivantes, justifications que nous empruntons au rapport de Francine Landry et Marie O'Neill: 48 étudiants sur 65, soit 74% invoquent le manque de temps.

Les autres invoqueront soit des raisons de santé ou un besoin de repos, la poursuite de cours ailleurs, des raisons de travail, et ainsi de suite.

Dans un autre sondage, on a identifié 7 personnes qui considéraient ne pas avoir échoué même si dans les registres officiels, un échec était inscrit. Voici les raisons invoquées: je suis tombé malade, je suis devenue enceinte, je me suis acheté une propriété et j'ai laissé tomber, je ne voulais que la documentation du cours, je n'avais pas besoin des notes, je n'ai jamais reçu mes résultats, j'ai terminé trop tard. Jamais on ne trouve comme justification la difficulté du cours ou le manque de capacités intellectuelles. Or il est théoriquement impossible que ces deux facteurs soient totalement absents parmi les causes d'échec ou d'abandon.

Allons plus loin et considérons une interrogation qu'a formulée Madame Landry lors de ses travaux de recherche sur la lisibilité des textes pédagogiques de la Télé-université. Soulignons tout de suite que cette interrogation n'a jamais fait l'objet d'une étude formelle ou d'une quel-conque recherche. C'est par ses contacts avec des étudiants que cette inter-rogation s'est formée: comment se fait-il que des documents de cours cotés comme étant à peu près illisibles selon des instruments de mesure reconnus (Flesh-De Landsheere, Gunning) ne créent, selon le dire spontané des étudiants, aucun problème de compréhension ou de lisibilité? La réponse à cette question nous est fournie par les spécialistes en métacognition. En effet, leurs études démontrent qu'un nombre restreint d'adultes possèdent les habiletés intellectuelles leur permettant de procéder à une vérification efficace de leur compréhension du texte qu'ils sont en train de lire. Parce qu'ils comprennent le sens des mots qu'ils lisent, ils déduisent à tort ou à raison qu'ils comprennent le texte. Et si une interrogation ne vient pas de l'extérieur pour tester cette compréhension, ils entretiennent l'illusion de comprendre. Cela s'inscrit d'ailleurs dans le sens de l'adage qui dit: quand je ne sais pas que

je ne sais pas, je crois que je sais.

De ceci, nous pouvons affirmer avec passablement de certitude cette conclusion très prudente: les étudiants n'ont pas tendance à blamer la qualité du cours ou leurs compétences personnelles pour justifier leur échec ou leur nonréinscription.

Venons-en donc à la technique proposée par la psychologie pour investiguer une problématique définie en termes de la besace d'Esope. Selon cette technique, on demanderait à l'étudiant comment son pire ennemi expliquerait-il son échec ou sa non-réinscription? A quel type de cours son voisin, son frère ou sa soeur l'inscriraient-ils? Contre quelles difficultés dans la poursuite d'un certificat son voisin, son frère, sa soeur le mettraient-ils en garde? et ainsi de suite.

On peut aussi recourir au simple phénomène de projection et demander à l'étudiant de formuler sa propre explication des statistiques relatives au taux d'abandon à un cours ou au pourcentage de non- réinscription des étudiants télé-universitaires.

Pour considérer un autre domaine, pensons à toute l'éducation qu'il a fallu faire et qu'il reste encore à faire pour rendre les patients critiques face aux ordonnances de leur médecin. Ce n'est que depuis quelques années que les gens interrogent les actes posés par leurs médecins. Pensons aussi au manque de sens critique des adeptes de diverses sectes religieuses, à diverses organisations ésotériques de développement psychologique ou spirituel: cela est vrai à tel point que des corporations professionnelles et des organisations sociales consacrent beaucoup d'efforts pour pallier à ce manque de jugement critique. Dans cette optique, on peut s'interroger sur le jugement critique des étudiants face à des cours conçus et élaborés par des experts.

Si les étudiants, comme chacun d'entre nous, portent une besace, la Téluniversité porte aussi la sienne. Qu'y a-t-il dans la poche qui pend derrière elle? Est-ce que c'est le contenu de cette poche que nous voulons connaître en interrogeant les étudiants sur leur degré de satisfaction? Et qu'est-ce qui motive la Télé-université à explorer le contenu de cette poche? En somme, Esope nous invite à remplacer la question "quelles sont nos qualités et les défauts des autres universités?" par la question "quels sont nos défauts et les qualités des autres institutions?" Sommes-nous capables de répondre à cette question? A qui demanderons-nous de répondre pour nous à la question?

Des Besoins Contradictoires

Nous pouvons émettre une autre hypothèse pour expliquer ce qui semble à première vue une contradiction: être satisfait d'un cours et l'abandonner ou ne pas se réinscrire. Nous ferons ici appel au phénomène des besoins contradictoires.

Un étudiant ressent un réel besoin de suivre un cours à distance. Dans sa perception d'entrée, il ressent une insuffisance d'informations et de notions qui seraient utiles dans son travail. Dans sa perception de référence, il y a la maîtrise de ces informations et notions. Le cours à distance qu'offre la Téluniversité est un moyen pertinent pour combler l'écart ressenti. L'étudiant s'inscrit et réalise les premières activités du cours. Le cours est intéressant. Il répond aux attentes qu'il avait formulées à son sujet. Mais voilà qu'un écart se creuse peu à peu à un autre niveau. Il y a une perception d'entrée: des soirées consacrées à l'étude et au travail. Il y a une perception de référence: des soirées de détente. Donc, au fur et à mesure qu'il comble le premier écart, le second s'accroît. S'il comble le second, le premier se creusera à nouveau. Il y a conflit. En s'inscrivant au cours, il n'était pas venu à l'esprit de l'étudiant qu'un tel besoin apparaîtrait. Ce besoin est nouveau puisque, avant qu'un écart n'existe, "il n'y avait rien là." Ce conflit est d'autant plus ressenti que les deux besoins sont vécus dans le même milieu: les manuels de cours, le siège inclinable et la télévision peuvent même être présents dans la même pièce. En d'autres mots, le contexte rappelle constamment l'existence du conflit. A tout instant, l'étudiant a la possibilité de remettre en question son choix d'activité pour la soirée, ce qui n'est pas le cas s'il se retrouve dans une classe, sur un campus situé à quelques milles de son domicile. Le conflit serait là moins criant, moins apparent.

A un questionnaire de satisfaction, un tel étudiant pourrait ainsi se dire satisfait du cours offert, déclarer que le cours répondait à ses besoins et en même temps abandonner le cours et même s'inscrire à un cours offert par une autre institution.

Nous avons décrit en termes clairs un conflit entre deux besoins opposés. Cela ne signifie pas que ce conflit s'exprime en termes aussi clairs pour celui qui le vit. Au contraire, très souvent les gens ont de la difficulté à identifier leurs besoins réels et encore plus à identifier en termes clairs les conflits qu'ils vivent. Le travail du psychologue, du conseiller d'orientation ou du conseiller pédagogique consiste la plupart du temps à justement aider le client à identifier ses besoins et ses conflits.

Nous ne disons pas que l'explication que nous venons de faire est celle qui s'applique nécessairement aux 100 étudiants de l'enquête. Nous avons voulu simplement montrer qu'une contradiction apparente dans les résultats d'une enquête ne réflète pas nécessairement une contradiction réelle.

Toutefois, nous ne pouvons escamoter une telle réalité. Qui dit satisfaction, dit besoin. Or un besoin n'existe pas seul. Il est environné d'une multitude d'autres besoins, et il entretient avec ces autres besoins des liens hiérarchiques (la satisfaction de certains besoins est pré-requise à la satisfaction d'autres besoins), des liens de compétition (deux besoins qui se prsentent simultanément), des liens d'opposition (satisfaire l'un entraîne l'insatisfaction de l'autre), et ainsi de suite. Et les besoins ont une vie: ils naissent, vivent et meurent (ils peuvent mourir satisfaits ou étouffés). Qu'en est-il de la dynamique des besoins d'études chez notre clientèle téluniversitaire? Posons la question autrement: quel savoir utile et pratique avons-nous de nos clients? Connaissons-nous sa psychologie, ses attitudes, ses comportements? Pouvons-nous nous priver d'une telle connaissance? Une multitude d'entreprises ont répondu non à cette seconde question. Et l'on sait l'importance accordée à cette dimension par la grande majorité, sinon toutes les agences de publicité offrant un service professionnel.

La Notion D'Indice

Existe-t-il une approche qui nous permettrait de recueillir des données sur la satisfaction qui ne seraient pas l'expression personnelle et subjective d'une réalité vécue mais une manifestation directe de cette réalité? L'approche par indices répond à cette caractéristique.

Nous aborderons d'abord la notion d'indice par le biais du symptôme. Il s'agit là de deux notions similaires bien que la seconde soit reliée à un état maladif, pathologique. Mais c'est toutefois la notion la mieux connue.

Si vous dites à un médecin que vous vous sentez malade, sa première réaction sera habituellement de se mettre à la recherche de symptômes. Avezvous mal à la tête? Etes-vous fiévreux? Avez-vous des difficultés de digestion, et ainsi de suite. Si vous n'avez aucun symptôme, c'est-à-dire aucune manifestation observable d'une quelconque maladie, il vous déclarera en bonne santé ou fera peut-être l'hypothèse d'un problème d'un autre ordre psychologique il va sans dire. A l'opposé, si vous vous dites en santé, et que vous avez les yeux vitreux, le teint blême, et des gestes incoordonnés, le médecin vous déclarera sans doute malade, malgré votre affirmation con-traire.

En somme, dans le cas du symptôme, il s'agit d'accorder l'importance aux faits et non aux paroles. Si dans cet exemple, les faits s'imposent, c'est soit parce que la personne concernée est ignorante d'un domaine de la connaissance, de la situation réelle ou bien parce qu'elle peut vouloir volontaire-ment nous tromper. Cette dernière hypothèse n'a sans doute aucune valeur relativement à l'expression d'une satisfaction ou d'une insatisfaction à des cours. Les deux premières hypothèses peuvent cependant être posées. Posons-les globalement et en termes généraux. Doit-on faire confiance à l'individu pour l' identification de ses propres besoins? Certains spécialistes du comportement humain vous répondront non, si ce n'est pour les besoins de base. D'autres, plus éloignés des sciences du comportement seront presque insultés que l'on puisse affirmer, même émettre l'hypothèse que l'adulte ne soit pas apte à identifier ses besoins. Ceux-là, peu importe l'aberration des données auxquelles ils pourraient se trouver confrontés, seront prêts à émettre toutes les hypothèses d'explication pourvu qu'elles ne remettent pas en cause l'intelligence des adultes à identifier leurs propres besoins. Nous ne voulons certes pas débattre ici cette question. Toutefois, qu'il soit permis, au niveau de l'étude de la satisfaction chez les étudiants, d'explorer une approche par les faits, soit la cueillette d'indices pour juger de la satisfaction ou insatisfaction de nos étudiants face à nos produits pédagogiques.

Indirectement, mais très concrètement se pose le problème d'une définition opérationnelle de la satisfaction. Autrement dit, quels comportements produit un étudiant satisfait, ou encore, quels comportements produirait-il dans telle et telle situation, face à telle et telle réalité, s'il est satisfait?

Venons-en maintenant à la notion d'indice dans un contexte évaluatif. Le

Petit Robert définit ainsi l'indice: "signe apparent qui indique avec probabilité.... Fait connu qui sert à constituer la preuve par présomption." Par exemple, un ululement démontre qu'il y a une mouche dans une maison; il suffit de la localiser. Il est impossible de prouver qu'il n'y a pas de mouche dans la maison. Même si on a bien investigué tout l'espace, il demeure toujours une probabilité, si minime soit-elle, qu'il y ait un recoin, un entre-mur, une fissure, et ainsi de suite où une mouche pourrait se trouver. De même on peut prouver, à l'aide d'indices, la présence d'attitudes mais on ne peut prouver son absence. Troisièmement, il faut pouvoir observer ces indices au moment où ils se produisent s'il s'agit d'indices ponctuels (qui s'inscrivent à un moment précis et limité dans le temps, qui sont volatiles, ne laissent pas d'empreintes) ou collectionner ces indices s'il s'agit d'indices factuels (qui inscrivent une marque concrète, une trace plus ou moins permanente dans la réalité concrète). Relativement au goût de lire, passer dix minutes devant la vitrine d'une librarie est un indice ponctuel, qui ne laissera pas d'empreinte. Le nombre de livres inscrits sur une fiche de prêt personnel dans une bibliothèque est un indice factuel, dont on voit la marque sur le carton constituant la fiche.

Si une approche par indices est possible quand l'observateur est en présence de l'observé ou qu'il a accès aux indices factuels, cette approche devient par contre difficilement applicable si l'observateur ne peut être mis en présence de l'observé ou qu'on n'a pas accès aux indices factuels.

Alors, qu'en est-il dans le cas d'une situation que nous qualifions de "à distance" et en l'occurrence, de la satisfaction d'étudiants qui se trouvent à distance de ceux qui sont à la recherche d'indices de satisfaction chez ces étudiants? Il faut oublier les indices ponctuels pour se concentrer sur les indices factuels. Quels sont donc les indices factuels permettant de faire la preuve de la présence d'une attitude de satisfaction face aux cours que la Télé-université leur offre? La réinscription à un deuxième cours serait un indice de type factuel. Mais est-ce que c'est un indice de satisfaction? Peu importe, retenons qu'il est possible, dans le cadre de la problématique qui nous préoccupe ici, de déterminer un certain nombre d'indices factuels.

Nous avons dit précédemment qu'il n'était pas possible d'observer "à distance" des indices ponctuels. Toutefois, il est possible de créer des situations particulières où des indices ponctuels ou factuels pourraient se produire. Il s'agit plus précisément de créer des scénarios amenant l'étudiant à produire un comportement qui pourra servir d'indice. Voici un exemple de scénario. Par exemple, on informe par lettre l'étudiant que l'existence de tel cours qu'il a suivi est mise en question. Or, il serait important, s'il a été satisfait de ce cours, qu'il écrive à la direction générale pour défendre le maintien du cours. On peut facilement croire que l'étudiant qui se donnera la peine d'écrire une telle lettre a été véritablement satisfait du cours.

Il est évident que la mise en oeuvre de tels scénarios exige, d'une part une créativité certaine de la part des évaluateurs et d'autre part, peut poser des problèmes éthiques.

Une Proposition Concrète

Les réflexions et observations que nous avons faites jusqu'à maintenant dans le présent document nous amènent à concevoir une approche particulière et qui, à notre avis, mériterait d'être étudiée à la lumière des notions présentées.

Nous présentons cette approche à titre indicatif seulement. Il s'agit davantage d'une hypothèse de travail qu'une proposition formelle. Des études plus poussées devraient être menées pour la confirmer comme étant une réponse valable à la problématique décrite. Cette approche pour explorer le degré de satisfaction des étudiants est à la fois basée sur le principe de projection et le scénario.

En pratique, l'approche pourrait prendre la forme suivante: deux personnes, engagées par la Télé- université pour réaliser l'étude de satisfaction, rencontrent entre 50 et 100 étudiants. Ils se présentent à leur domicile en les ayant préalablement invités, par téléphone, à participer à un concours: "Connaissez- vous la Télé-université et ses étudiants?" Un premier prix de $250 sera octroyé au gagnant. Un second prix de $100 sera octroyé à son plus proche concurrent. L'enjeu est le suivant: deviner le plus exactement possible un ensemble de statistiques recueillies par la Télé-université. (Des statistiques pourront être compilées à partir d'un questionnaire présenté à 25 étudiants. Le rôle de ce questionnaire est simplement d'assurer la véracité des propos que le scénario nous oblige à tenir, les véritables statistiques à considérer étant celles de l'étude en cours.) Ces statistiques sont ainsi utilisées comme l'écran projectif qui recevra les perceptions des répondants. La personne gagnante est celle qui aura proposé les chiffres se rapprochant le plus des statistiques compilées. Quelques questions non-pertinentes sont insérées dans le questionnaire afin d'équilibrer sa facture. Aux étudiants qui s'interrogent sur l'objectif d'une telle démarche, on peut répondre que la Téluniversité veut vérifier si la perception des étudiants peut conduire aux mêmes résultats que d'autres types d'études statistiques et ainsi remplacer ces types d'études.

Voici, toujours à titre indicatif, le type de questionnaire qui pourrait être construit. Notons immédiatement que les questions 1, 2, 3, 4, et 5 servent principalement à induire le processus projectif chez le répondant et à clarifier la demande qui lui est faite. La question 1 s'avère l'élément principal du questionnaire. Elle pourrait être subdivisée en sous-questions pour obtenir des données sur des dimensions plus spécifiques.

  1. A votre avis, combien d'étudiants différents sont actuellement inscrits à au moins un cours de la Télé-université?
  2. A votre avis, combien de cours (3 crédits) différents la Télé- université offre-t-elle?
  3. A votre avis, quel pourcentage des étudiants télé-universitaires abandonnent le cours auquel ils se sont inscrits?
  4. A votre avis, quel pourcentage des étudiants télé-universitaires échouent le cours qu'ils ont suivi
  5. A votre avis, quel est le pourcentage moyen d'échecs à un cours dans les autres institutions universitaires?
  6. La Télé-université a procédé à une évaluation de ses documents pédagogiques. Dix qualités et dix défauts ont été présentés aux évaluateurs.

A votre avis, quelle qualité a été identifiée comme la principale? A votre avis, quel défaut a été identifié comme le plus important? A votre avis, dans la liste qui suit, quelle qualité s'est avérée la plus caractéristique des documents pédagogiques? Classez-les par ordre d'importance. Attention: nous ne vous demandons pas votre avis personnel mais les résultats, selon vous, de nos compilations statistiques.

  1. faciles à lire
  2. motivants et intéressants
  3. bien structurés
  4. objectifs clairs et bien définis
  5. activités pratiques et pertinentes
  6. directives précises et complètes
  7. densité d'informations appropriée
  8. présentation matérielle agréable
  9. ............
  10. ............ A votre avis, dans la liste suivante, quels défauts se sont avérés les plus fréquents?

Classez-les par ordre d'importance. Attention, nous ne vous demandons pas votre avis personnel mais les résultats, selon vous, de nos compilations statistiques.

  1. textes peu
  2. directives vagues et incomplètes
  3. incohérence et imprécision de l'information
  4. mauvaise qualité d'impression et d'édition
  5. documents mal structurés
  6. densité d'information trop faible
  7. ............
  8. ............
  9. ............
  10. ............
  1. cours ne répondant pas aux attentes
  2. cours trop difficile
  3. manque de temps
  4. manque de préparation intellectuelle pour suivre le cours
  5. désintérêt pour l'obtention des crédits rattachés au cours
  6. difficulté de travailler seul, à distance
  7. cours de piètre qualité
  8. trop d'efforts exigés
  9. ............
  10. ............
  11. ............

A votre avis, quel est le degré de satisfaction le plus haut qu'ait reçu un cours de la Télé-université?

  1. Les cours de la Télé-université exigent beaucoup de travail
  2. N'importe qui peut réussir un cours de la Télé-université
  3. Les diplômes de la Télé-université ne sont pas utiles sur le marché du travail
  4. Les cours de la Télé-université sont tout à fait adaptés à des étudiants adultes
  5. La Télé-université est l'une des meilleures institutions universitaires au Québec
  6. La Télé-université est une institution qui se caractérise par son avant- gardisme et son dynamisme
  7. ............
  8. ............
  9. ............
  1. être particulièrement intelligent
  2. être particulièrement débrouillard
  3. aimer particulièrement travailler seul
  4. avoir le goût de la nouveauté
  5. être très motivé
  6. avoir beaucoup de temps à consacrer à son cours
  7. être très sûr de soi-même
  8. aimer beaucoup lire
  9. ............

Il va de soi que le questionnaire que nous venons de présenter à titre d'exemple nécessiterait une meilleure élaboration. Notre but était seulement d'indiquer, de manière concrète, le type d'approche qui nous apparaît comme susceptible de répondre aux interrogations formulées dans le présent document. De plus, un tel type de questionnaire pourrait être utilisé dans un contexte expérimental pour vérifier s'il permet de relever des différences significatives entre des étudiants ayant suivi des cours différents à la Téluniversité. En somme c'est le développement d'un nouvel instrument de mesure que nous proposons.

Un Scénario Particulier: La Bourse

Dans la précédente section, nous avons présenté une approche basée sur le traditionnel questionnaire auquel nous avons intégré un scénario de type "mise en situation." Nous vous présentons maintenant un scénario exigeant des ressources plus importantes mais qui, en plus de permettre une cueillette de données sur la "valeur" des cours, peut engendrer diverses conséquences positives dans le milieu, telles la sensibilisation des employés(es) de la Téluniversité à l'évolution des clientèles, la circulation d'informations sur les caractéristiques d'un cours, l'intérêt des étudiants aux différents produits de la Télé-université, et ainsi de suite.

Le scénario est basé sur les activités boursières. L'on sait que les cours d'initiation aux activités boursières suscitent un intérêt important dans le public. Dans notre contexte évaluatif, il s'agirait de construire un logiciel informatique permettant aux participants de se constituer des portefeuilles d'actions avec un montant d'argent fictif qui leur est alloué. Mais, la particularité du système que nous proposons consiste à remplacer les compagnies par les cours et à baser la valeur des actions sur le nombre d'étudiants inscrits.

Par exemple, supposons qu'une nouvelle compagnie-cours est lancée au prochain semestre. Supposons aussi que l'on fixe à 100 le nombre minimal d'inscriptions pour que la compagnie-cours enregistre des gains. En bas de ce nombre, des pertes seraient enregistrées. Quel attrait aura ce cours chez les investisseurs? Ne sera-t-il pas préférable d'investir une partie de ses argents sur tel autre cours dont le nombre d'inscriptions s'est maintenu stable au cours des dernières années? Achèterons-nous des actions dans le futur baccalauréat en communication?

Chaque jour ou chaque semaine, les investisseurs recevront un rapport sur l'évolution des clientèles inscrites à chacun des cours et pourront ainsi acheter et revendre des actions. Il est à prévoir, qu'à la sortie de chaque nouveau cours, les investisseurs voudront s'informer, auprès des personnes impliquées dans la réalisation du cours, de ses qualités sur les plans contenu, pédagogie, marketting, et ainsi de suite.

Ce scénario devrait prévoir des prix en argent attribués à ceux qui ont réalisé les meilleurs investissements.

Ainsi, les argents actifs investis sur le cours constitueront un indice quanti-tatif relatif à l'appréciation portée sur le cours. Il est opportun ici de con-stituer divers groupes d'investisseurs. Les employés de la Téluniversité constituent un premier groupe. Leurs investissements permettraient de savoir comment le cours est perçu dans le milieu intra-téluniversitaire. Il est permis de croire que les rumeurs de "corridor" auront des effets quantifiables sur les argents investis.

Les intervenants et tuteurs constituent un deuxième groupe. Leurs investissements traduiront l'appréciation qu'ils portent sur le cours. Les étudiants constituent un troisième groupe. Leurs investissements traduiront leur appréciation du cours qu'ils viennent de suivre et réfléteront aussi la perception du milieu étudiant sur les divers cours offerts par la Télé-université. Mettant les choses au mieux, nous pourrions même croire qu'une telle approche évaluative susciterait la curiosité du milieu extérieur et pourrait ainsi servir à faire connaître la Télé-université. Et pour pousser les choses jusqu'à leur limite, pourquoi ne pas permettre au grand public de participer à ce "jeu": nous obtiendrions peut-être de cette façon une publicité de la plus grande efficacité.

Mentionnons, pour conclure sur ce point, que les quelques employés(es) à qui nous avons présenté ce projet, ont immédiatement montré un grand enthousiasme, ce qui laisse présager que le nombre d'"investisseurs" ne manquerait pas et par le fait même, les données à compiler sur l'appréciation des cours.

Toutefois, n'oublions pas qu'avant d'élaborer de tels scénarios, il faut répondre à la question: pourquoi la Télé-université s'intéresse-t-elle à l'appréciation que l'on porte sur ses cours et quelles décisions les données recueillies doivent-elles nourrir?

Conclusion

Dans cette étude, nous avons abordé un certain nombre de réalités inhérentes à la mesure de la satisfaction chez les étudiants. Nous avons vu que les étudiants les plus susceptibles d'être insatisfaits se disaient, par l'intermédiaire d'un questionnaire téléphonique, satisfaits et ce dans une très large proportion. Nous avons identifié ce que nous avons qualifié de contradiction apparente. Nous avons souligné que la difficulté du cours ou les limites intellectuelles des individus n'étaient jamais énoncées comme justification à un échec ou un abandon. Nous avons décrit brièvement un phénomène de besoins opposés. Nous avons abordé le problème des projections. Nous nous sommes interrogés sur la "vraie" question sous-tendant la problématique de la satisfaction. Nous nous sommes posés la question à savoir comment un étudiant entend-il le terme "satisfaction." Nous avons explicité la notion d'indices et avons situé dans ce contexte le "scénario."

Nous avons proposé une approche concrète, facilement applicable et qui, à notre avis, tient compte des propos tenus et des réflexions émises. A notre avis, une telle approche mériterait d'être étudiée et pourrait être éventuellement appliquée, formellement ou à titre expérimental. Cette proposi-tion ou plutôt cette hypothèse de travail n'annule toutefois et d'aucune manière les questions qui ont été posées dans le document et qui appellent des réponses de divers ordres.

Nous croyons, par cette étude, avoir établi les bases nécessaires pour pouvoir maintenant poser d'une manière juste et adaptée la question de la satisfaction des étudiants et déterminer la forme selon laquelle cette question doit être posée (si on a encore le désir ou la volonté de la poser). Nous espérons donc que cette étude soit un élément significatif dans le choix de la stratégie et des instruments de mesure utiles pour colliger des données qui soient fiables et crédibles.

Références

Glasser, W. (1982). Etats d'esprit. La puissance des perceptions, coll. Actualisation, Le Jour, éditeur, Montréal. Landry, F., & O'Neill, M. (1983). Les étudiants qui suivent un seul cours à la Télé-université. Rapport d'enquête, Télé-université, Bureau de la recherche et du développement pédagogique, Québec.

Masson, J. (1984). De la réalité jusqu'à l'attitude. Télé-université, Québec. Sillamy, N. (1983). Dictionnaire usuel de psychologie (p. 67). Bordas, Paris.


Jeanpierre Masson est agent de recherche et spécialiste en sciences de l'édu-cation à la Télé-université (Université du Québec). Il a mené pendant dix ans des travaux de recherche en mesure et évaluation et a publié des ouvrages à l'intention des enseignants. Il s'intéresse aussi à la psychologie de la communication écrite ainsi qu'à la psychologie analytique appliquée à des réalités éducatives.