En guise de réponse à l'article de Jeanpierre Masson paru dans la Revue de l'enseignement à distance Vol. 2, No. 2, 1988 |
Cher collègue,
J'ai lu avec beaucoup d'intérêt votre article intitulé "Sur la satisfaction des étudiants dans un contexte de formation à distance."
J'aimerais y réagir et essayer d'apporter quelques pistes de réponses - tout intuitives qu'elles soient - à la question qui vous reste si mystérieuse: "Comment un étudiant1 qui a échoué un cours peut-il se déclarer satisfait?"
Dans un premier temps, je crois qu`il y a lieu de différencier la satisfaction des étudiants et la satisfaction d'une institution d'enseignement à distance. En effet, l'institution d'enseignement à distance sera satisfaite, elle, si les étudiants qui la fréquentent n'échouent pas aux cours et continuent régulièrement de s'y inscrire. Autrement dit, l'institution sera satisfaite si la clientèle est récurrente.
Mais du côté des étudiants, la satisfaction n'est peut-être pas liée du tout aux mêmes facteurs. J'ai pris moi-même plus d'une dizaine de cours en enseignement à distance, été tutrice dans quelques groupes d'étudiants et connu individuellement des étudiants qui s'étaient inscrits à un ou quelques cours. Voici les observations que j'ai pu faire en l'occurrence.
J'imagine que vous avez comptabilisé comme étudiant ayant échoué une personne qui a tout simplement décidé, pour une raison quelconque, de ne pas terminer son cours. Dans ce cas, il ne s'agit pas d'un échec académique, mais d'un abandon transformé en échec.
A mon avis, un étudiant qui n'a pas terminé son cours et/ou ne s'est pas rinscrit à un deuxième cours a tout lieu d'être satisfait parce que:
Je me suis quand même interrogée à savoir s'il y aurait un risque quelconque à avouer qu'on est insatisfait d'une expérience comme celles dont il est question ici. Par exemple, quelles seraient les conséquences à admettre publiquement qu'un cours a été trop difficile, qu'on l'a trouvé mal organisé, que la démarche et les objectifs d'apprentissage nous apparaissaient peu clairs, et ainsi de suite. C'est sûr que les adultes qui reviennent aux études après une longue absence du milieu académique ont de la difficulté à critiquer une institution à qui ils reconnaissent eux-mêmes une grande crédibilité. C'est également certain que de dire qu'un cours était trop difficile, jouera sur la perception de sa compétence à apprendre. Il est donc beaucoup plus facile de se mentir à soi-même et aux autres et de déclarer que, somme toute, on est satisfait! On s'imagine probablement qu'en se proclamant satisfait, on se convaincra qu'on l'est vraiment, l'institution sera également satisfaite de savoir qu'on l'est, et tout le monde sera content!
Par ailleurs, je me suis également posé des questions sur le fait que le prétexte du manque de temps (est-ce toujours un prétexte?) revient si souvent dans les motifs d'abandons des cours. Mon expérience comme étudiante et tutrice me dit que nous devrions donner plus de support à nos étudiants sur le plan métacognitif: planification, organisation, auto-évaluation, régulation, et ainsi de suite. Si les étudiants semblent manquer de temps, c'est probablement qu'au départ, ils ont manqué tout simplement de planification et d'organisation, et qu'en cours de route, ils n'ont pas été capables de rvaluer leurs échéances. Finalement, le prétexte du manque de temps n'aura pas été si faux que ça.
Enfin, les caractéristiques "positives" d'une institution comme la Téluniversité jouent probablement contre la récurrence. Par exemple, les coûts peu élevés, la qualité de la documentation qui reste aux étudiants, les longs délais qu'on accorde aux étudiants pour leur permettre de terminer leurs travaux, l'inscription ouverte et non contingentée, et ainsi de suite. Vous avez probablement déjà vu, à l'épicerie, du savon en "spécial" à 2,99$ la boîte. Vous êtes probablement passé tout droit. Mais le mois suivant, quand le "spécial" à 2,99$ est revenu et qu'en plus, on avait fixé la limite à deux boîtes par client, je serais curieuse de savoir ce que vous avez fait.
Voilà. Comme vous le voyez, je n'ai pas vraiment répondu à votre question. Loin de moi toutefois l'idée de faire de cette réplique un plaidoyer pour une hausse des droits de scolarité et un contingentement rigide de nos inscriptions. Et afin d'en apprendre davantage sur les motifs réels d'abandon, peut- être la suggestion d'un questionnaire de style projectif est-elle à retenir. Tenez-nous au courant!
1. Lire au féminin également.