Éditorial
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VOL. 5, No. 2, 4-7
Dans son avant-propos de Toward New Horizons: International Perspectives on Women in Distance Education, Liz Burge (1988) remarque que "bien que l'on ait beaucoup parlé des femmes en tant qu'étudiantes et enseignantes en éducation à distance, on a peu parlé d'elles en ce qui concerne la recherche et les ouvrages publiés" (p. xi). Un an plus tard, écrivant sur les femmes dans l'enseignement à distance dans la collection Post-Secondary Distance Education in Canada, Rebecca Coulter note aussi que "virtuellement aucun effort n'a été fait pour relier ce sujet (la théorie féministe et la pratique dans le domaine pédagogique) à une analyse sur les femmes et l'enseignement à distance (p. 11). Cependant, grâce à l'énergie, à la pénétration et à l'érudition de femmes telles que Burge, Faith, et Coulter au Canada, Kirkup and von Prümmer en Europe, et bien d'autres encore dans le monde entier, les problèmes associés au sexe font maintenant l'objet de discussions d'éducateurs à distance lors de conférences professionnelles et savantes et, d'une manière croissante, dans leurs écrits.
Les questions que l'on pose visent directement sur la manière dont, en tant qu'éducateurs et éducatrices à distance, nous considérons notre tâche. Nous qui éprouvons de la fierté à nous concentrer sur l'étudiant devons maintenant considérer comment le fait d'apprendre est relié au sexe de l'étudiant. Par exemple, la question, "Comment les adultes apprennent-ils?" se transforme en "Comment les femmes et les hommes apprennent-ils?" La question "Quelles sortes de conditions devons-nous créer pour les étudiants à distance afin que la porte ouverte ne devienne pas une porte tournante?" devient "De quelles sortes de support les femmes et les hommes ont-ils besoin pour réussir comme étudiants à distance?" Au lieu de nous tracasser sur quelles sortes de programmes serviront le mieux aux besoins de nos étudiants potentiels - et génériques - on nous demande si nos cours permettent aux femmes, autant qu'aux hommes, de donner un sens à leurs expériences, de trouver leux voix, et de prendre une action positive dans leur environnement. Plutôt que d'encourager nos collègues à employer la technologie la plus récente pour mettre en contact les étudiants et les enseignants, on nous demande de considérer si ces technologies sont aussi accessibles aux femmes qu'aux hommes, et si les femmes et les hommes vont faire l'expérience de ces technologies de la même manière. Et ainsi de suite.
Les articles contenus dans ce numero spécial de la Revue de l'enseignement à distance posent de telles questions et suggèrent des réponses et des directions pour une future recherche. Gill Kirkup et Christine von Prümmer mettent en question la notion de l'étudiant "indépendant" ou "autonome," tellement à la mode dans la littérature sur l'enseignement à distance. En se basant sur les résultats de leurs travaux comparant les étudiants hommes et femmes à la British Open University et à la FernUniversität allemande, les auteures suggèrent que la notion de l'étudiant "connecté" tient d'avantage compte de la manière dont les femmes apprennent. Elles explorent ensuite les implications de cette différence entre la façon dont les femmes et les hommes apprennent pour les systèmes de soutien que nous fournissons à nos étudiants à distance.
Louise Moran examine les raisons pour lesquelles un programme intérinstitutionnel d'études féminines développé et enseigné conjointement par trois universités australiennes a si bien réussi, alors que d'autres tentative similaires faites par des institutions à distance ont échoué lamentablement. Se basant sur l'évaluation du projet dont elle était l'une des initiatrices, Moran suggère que les conditions nécessaires à la réussite de toute entreprise en commun - l'accord des objectifs, l'égalité entre les partenaires, la dédication et la confiance, un contrôle suffisant et partagé, la bonne volonté pour s'adapter et se rencontrer à mi-chemin, la communication effective - ont été renforcées par la dédication aux principes feministes de collégialité et d'unanimité et au but de légitimer les études féminines en tant que domaine programmatique, que les créatrices du programme partageaient.
Dans l'article d'Asha Kanwar, le besoin de créer des programmes d'études féminines prent encore plus d'urgence devant les problèmes énormes auxquels les femmes de l'Inde doivent faire face. Kanwar écrit avec passion sur ces problèmes et sur le besoin d'avoir des institutions telles que l'Université Indira Ghandi, dont le mandat est d'être le véhicule pour le changement social, et d'aider à créer les conditions pour la prise de pouvoir personnel des femmes. Kanwar rappelle aussi à ceux d'entre nous qui instruisons à distance dans des conditions d'affluence et de sécurité relatives combien la pauvreté, l'alphanabétisme, et l'impuissance sont des questions de vie et de mort pour les femmes indiennes et leurs enfants.
L'article de Cathy Bray nous fait revenir dans le monde occidental du travail et de l'enseignement, en jetant un coup d'oeil provocateur sur la façon dont les femmes qui travaillent dans le domaine de l'enseignement à distance et leurs étudiantes peuvent analyser les formes d'intéraction par ordinateur et apprendre à s'en servir pour renverser "l'informatique de domination." Bray applique les notions provenant des analyses féministes sur les ordinateurs et la place de travail, en portant plus particulièrement attention aux conditions de travail des infirmières (qui constituent une bonne proportion des femmes qui étudiant à distance), aux tâches auxquelles nous faisons face quotidiennement dans notre travail d'enseignantes à distance.
En plus de ces articles basés sur la recherche, ce numéro contient aussi un article spécial, un récit à la premier personne par Karlene Faith, décrivant la conférence tenue dans l'Inde qui a fait se rencontrer des femmes vice-présidentes d'universités et autres. La conférence, organisée par le Commonwealth of Learning, se portait sur les femmes en développement. Les reflexions de Faith sur son admiration envers les femmes dont les paroles donnaient son sens à cette conférence, son irritation envers les ordres du jour dominés par les hommes, son conflit avec la contradiction entre l'opulence de la conférence et des banquets sans fin d'une part et le côté sinistre de la vie de la rue d'autre part, et finalement sa maladie accablante, illustrent le principe féministe que "le personnel est politique." Les deux textes de "Pour votre information" constituent un contrepoint utile aux reflexions de Faith. Le texte de Susan Phillips donne une vue d'ensemble sur les objectifs de la conférence décrite par Faith et sur les recommendations qui en résultent, et la contribution de Uma Vandse et S. A. Pol nous permet de jeter un coup d'oeil sur une université indienne établie spécifiquement pour satisfaire aux besoins des femmes. Finalement, et bien qu'elle n'ait pas été soumise pour ce numéro, la réponse de Céline Lebel à une contribution précédente au "Dialogue" par Jane Brindley et Maxim Jean-Louis nous rappelle l'un des buts essentiels de la Revue, qui est de provoquer des débats sur des problèmes concernant l'enseignement à distance et de leurs fournir un forum. Si les articles et autres textes de ce numéro spécial évoquent des reflexions telles que celles de Lebel, l'objectif du numéro sera satisfait.
Comme tous les numéros de la Revue, celui-ci est le résultat d'une collaboration. Les rédactrices remercient particulièrement les auteures et celles qui ont revu leurs travaux d'une manière si constructive: Liz Burge, Roberta Carey, Karlene Faith, Janet Jenkins, Barbara Roberts, Kay Rogers, et Judith Van Duren. Nous devons en plus à Liz l'inspiration et l'élan pour ce numéro, comme nous lui devons aussi une grande partie des travaux qui ont été produits sur le sexe dans l'enseignement à distance pendant les années depuis la conférence CIED à Vancouver. Merci, Liz. Merci à toutes. Nous reconnaissons aussi avec gratitude le soutien fourni par le Conseil de recherches en sciences sociales et humaines du Canada et le support financier de l'Université Simon Fraser.
Burge, E. (1988). Foreword. In K. Faith (Ed.), Towards new horizons: International perspectives on women in distance education (pp. vii–xiv). London: Routledge.
Coulter, R. (1989). Women in distance education: Towards a feminist perspective. In R. Sweet (Ed.), Post-secondary distance education in Canada (pp. 11–22). Athabasca: Athabasca University and Canadian Society of Studies in Education.