Les Services de Support à l'Etudiante à Distance:
Services "Obligatoires"?

Celine Lebel

VOL. 5, No. 2, 83-85

Ce commentaire fait suite au texte de Jane Brindley et Maxim Jean Louis, paru dans la rubrique Dialogue de la Revue de l'enseignement à distance, Vol. V, no. 1, Printemps 1990.

Le support à l'étudiante, en enseignement à distance, vise deux buts: l'atteinte des objectifs de formation et le développement des capacités de l'étudiante à auto-gérer son projet de formation. Il est en effet reconnu que la formule même de la formation à distance exige davantage d'autonomie de la part de l'étudiante.

Cependant, l'auto-gestion d'une activité de formation exige un minimum de connaissances et d'habiletés que toutes les étudiantes, même adultes, n'ont pas nécessairement développé. Les services qui sont offerts aux étudiantes devraient donc, à mon avis, être d'abord et avant tout des services de diagnostic: telle ou telle étudiante est-elle capable de gérer son projet de formation? Sinon, de quel type de support pourrait-elle avoir besoin?

Dans le modèle qu'a développé la Télé-université, les tutrices servent d'intermédiaires entre l'institution et les étudiantes. Ce sont elles qui assurent le suivi pédagogique et administratif des étudiantes, et qui sont identifiées par ces dernières comme les représentantes de l'institution. Ce serait donc les personnes toutes désignées pour aider les étudiantes à poser un diagnostic sur leurs capacités de gestion d'un projet de formation et sur leurs habiletés à acquérir ou à maintenir pour ce faire.

Ces habiletés d'auto-gestion correspondent au développement d'activités dites métacognitives. Le concept de métacognition, qui porte sur le contrôle conscient par la personne (en l'occurrence ici l'étudiante) de son propre fonctionnement cognitif, explique comment se formalisent les connaissances associées à l'activité cognitive, en particulier celles du contrôle de cette dernière. Théoriquement, ce processus de niveau supérieur devrait permettre aux étudiantes de prendre conscience de leurs processus cognitifs et donc de mieux diriger leurs activités d'apprentissage, de mieux assumer la gestion des situations d'apprentissage, et conditionnerait ainsi la qualité de leur apprentissage.

A notre avis, toute étudiante devrait, au départ d'une activité de formation, et avec l'aide d'une tutrice, mettre à jour ses connaissances métacognitives, c'est-à-dire les connaissances qu'elle possède sur les personnes (y compris elle-même), la tâche, la diversité des objectifs possibles et les stratégies à utiliser. Une fois ces connaissances mises à jour, l'étudiante peut passer à l'étape d'auto-régulation: planification, contrôle, évaluation.2

Les tutrices de la Télé-université doivent obligatoirement prendre contact avec leurs étudiantes au moins une fois, au début de leur activité de formation. C'est, à mon avis, le moment choisi pour diagnostiquer si l'étudiante a effectivement besoin de support, et sur quel plan. Trop souvent, les étudiantes abandonnent les cours en alléguant un manque de temps. Notre connaissance du milieu de la formation à distance à titre d'étudiante et de tutrice nous porte à penser que ce manque de temps est probablement dû soit à une mauvaise planification, à une méconnaissance de la tâche à accomplir ou de la discipline personnelle qu'exige l'apprentissage à distance. Il ne faut pas sous-estimer non plus le support sur le plan affectif. Apprendre, c'est "se déranger," c'est remettre en question des informations acquises, c'est se déstabiliser. Admettre qu'on a besoin de support, prendre les moyens pour se donner accès à une personne ou un service, ce n'est pas facile pour une adulte qui se croit autonome. Mais, en fait, ne serait-ce pas là faire preuve d'autonomie que d'aller chercher ce dont on a besoin au moment où on en a besoin?

En conclusion, je ne crois pas qu'une intervention "obligatoire" d'une tutrice en début de démarche brime, de quelque façon que ce soit, l'autonomie de l'étudiante adulte en formation à distance. Tant mieux si cette étudiante découvre, avec la tutrice, qu'elle n'a aucun besoin de support (ce serait étonnant!); tant mieux également si elle arrive à préciser de quel type de support elle aura besoin, et si elle comprend que les services sont, justement, à son service....Et tant mieux, enfin, si les barrières affectives (peur, gêne, crainte) tombent....

Les considérations d'ordre économique, qui préoccupent au plus haut point les administratrices d'établissements d'enseignement à distance, n'ont pas été abordées ici; mes préoccupations comme chercheuse et praticienne de l'enseignement à distance se situent plutôt sur le plan pédagogique. Mais une certitude me reste acquise, tel que le rappelait R. H. Paul dans sa communication à la Conférence internationale "Interaction and Independence, Student Support in Distance Education and Open Learning," tenue à Cambridge en 1989: "Le développement de l'autonomie de l'étudiant, c'est plus qu'un valeur éducative important. Cela pourrait se justifier de façon économique, parce qu'un étudiant autonome demande de moins en moins de services à son institution, complète son cours plus rapidement et requiert moins de services de support."

Un établissement d'enseignement à distance se doit de mettre à la disposition de l'étudiante des services de support afin que celle-ci n'abandonne pas parce qu'on l'a abandonnée....L'important, c'est le dosage: ni trop, ni trop peu. Seules l'expérience et une bonne connaissance des besoins de notre clientèle peuvent nous éclairer en l'occurrence....

Notes

1. Le générique féminin est utilisé partout ici sans aucune discrimination et uniquement dans le but d'alléger le texte.

2. Voir Le support à l'étudiant en enseignement à distance, Revue de l'enseignement à distance, IV(2), automne 1989.