Motivations des personnes âgées de 55 ans et plus à suivre des cours à distance |
VOL. 6, No. 2, 25-38
Cet article présente les motivations des personnes âgées de 55 ans et plus qui ont suivi des cours à la Direction de la formation à distance (D.F.D.) du ministère de l'Éducation du Québec, durant l'année 1988.
L'absence d'échelle de motivations spécifique à la formation à distance pour ce groupe d'apprenants âgés a contraint les auteurs à en bâtir une qu'ils ont adaptée de celles de Boshier (1971; 1977), de Boshier et Riddell (1978), et de Sprouse (1981).
Les 549 énoncés de motivation recueillis à l'aide d'un questionnaire administré à un échantillon représentatif d'apprenants âgés de la D.F.D. ont permis d'enrichir l'échelle adaptée des auteurs précités. Cette échelle a été transformée en échelle de motivations spécifique à la formation à distance; deux nouveaux énoncés ont pu y être ajouté et l'ordre d'importance des énoncés et des catégories de cette nouvelle échelle a pu être établi.
This article considers the motivations of people of 55 years of age and over who have followed courses with the distance education division (D.F.D) of the Quebec Ministry of Education during 1988. In the absence of specific motivation scale for distance education for this group of learners, the authors were forced to build their own, which they adapted from those of Boshier (1971; 1977), Boshier and Riddell (1978), and Sprouse (1981).
The 549 items of motivation collected through a questionnaire given to a representative sample of elderly learners of the D.F.D has enriched the scale adapted from the authors cited above. This scale was transformed into a scale of motivations specific to distance education. The authors were able to introduce two new statements and to establish an order of importance for the statements and categories of this new scale.
L'objectif principal de cette recherche est de connaître les raisons qui incitent les personnes âgées à s'inscrire à des cours à distance. Plus précisément, cette démarche exploratoire veut présenter le portrait- type de ces nouveaux apprenants, découvrir leurs motivations à étudier à distance et identifier les motivations qui sont les plus importantes pour eux.
L'augmentation de la population âgée active et l'importance croissante de son rôle à tous les paliers de la société incitent les chercheurs de disciplines différentes à étudier la nature de ce phénomène social nouveau et à s'interroger sur les acteurs principaux. Pour les formateurs et les formateurs de formateurs en andragogie, cette situation présente différentes facettes intéressantes dont l'une est l'augmentation sans précédent de l'inscription de personnes âgées à des cours de tous niveaux et plus spécifiquement à des cours à distance. Cette situation oblige toutefois ces formateurs à reconsidérer leur rôle, leur approche et leurs méthodes envers ce nouveau groupe d'apprenants. Pour y arriver, il est indispensable de les connaître.
La tradition voulait, jusqu'à ces dernières années, que l'âge de 65 ans marque le début de la vieillesse, notion que le versement de la « pension de vieillesse » et la « mise à la retraite », survenant toutes deux dès cet âge, ont sans doute contribué à enraciner dans la perception populaire. Or, l'étude des listes des apprenants inscrits à des cours destinés aux personnes âgées révèle l'émergence d'une nouvelle catégorie d'âge : celle des personnes dont l'âge se situe entre 55 et 64 ans. Lors d'un congrès sur l'enseignement aux adultes tenu à la Northern Illinois University en 1984, la personne adulte âgée active était définie comme « toute personne de 55 ans et plus participant à un programme conçu pour adultes âgés ». Cette position tenait compte de l'avancement, volontaire ou non, de l'âge de la retraite et du souci de plus en plus marqué chez ces gens de bien se préparer à cette étape importante de leur vie.
Pour Hoffman (1974), les limitations physiques et les problèmes de transport, de même que les difficultés financières, peuvent empêcher les personnes âgées d'exploiter cette source d'activité intellectuelle qu'offrent les cours organisés à leur intention : la formation à distance conviendrait donc à plusieurs d'entre elles, puisqu'elle permet de contourner la majorité de ces inconvénients.
L'analyse des écrits sur ce sujet permet de constater que, malgré de nombreuses publications recensées de manière exhaustive par Hough (1984), très peu d'auteurs ont traité des motivations des personnes âgées en formation à distance. A notre connaissance, il n'existe pas non plus de classification de motivations pour la formation à distance.
La motivation joue un rôle important dans le rendement des apprenants et plus particulièrement en formation à distance. Kropley et Kahl (1983, cités par Dessaint, 1987) définissent la motivation comme un ensemble de facteurs qui régissent la volonté d'une personne de dépenser de l'énergie pour accomplir une tâche particulière à un moment donné.
Une recherche faite au Royaume-Uni par Cutress, Morrison, and Palmer (1983) auprès de 1 042 apprenants regroupait les motivations des personnes âgées en quatre catégories principales :
Les auteurs ajoutent que, chose surprenante, très peu de personnes âgées étudient pour des raisons d'ordre social ou pour meubler leurs loisirs. Dans l'ordre d'importance des raisons d'étudier, il y a prédominance du facteur expressif sur le facteur instrumental, c'est-à-dire que l'objectif de l'étudiant s'insère principalement dans l'acte d'apprendre ou s'y joint étroitement. Toutefois, dans des cours de préparation à la retraite, par exemple, le facteur instrumental l'emporterait sur le facteur expressif. Boshier et Riddell (1978) ont établi une échelle de motivations à apprendre des personnes âgées de 70 ans et plus. Cette échelle se divise en quatre catégories :
Nous avons choisi d'utiliser cette échelle car elle nous semblait être la plus complète parmi celles que nous avons recensées. Mais pour tenir compte des apprenants âgés de 55 à 70 ans dont les motivations peuvent être encore liées au marché du travail, particulièrement pour les personnes âgées de 55 à 65 ans, nous avons également utilisé quelques motivations de l'échelle de motivations pour adultes (EPS) de Boshier (1971; 1977) (voir Sprouse, 1981).
Nous avons pu ainsi enrichir l'échelle de Boshier et Riddell de la nouvelle catégorie AVENIR PROFESSIONNEL et de six motivations reliées au marché du travail.
Par la suite, nous avons traduit l'échelle remaniée et nous l'avons soumise à deux pédagogues bilingues de la Direction de la formation à distance (D.F.D.) du ministère de l'Éducation du Québec. Le classement des motivations selon la nouvelle échelle de motivations a été effectué par trois juges, soit les deux auteurs de la recherche et une autre personne retenue pour sa compétence en formation à distance.
Lors du classement des motivations identifiées par les répondants, deux des trois juges ont suggéré de créer deux nouvelles sous-catégories afin de tenir compte de la situation particulière de la formation à distance. Dans la catégorie FUITE/STIMULATION, la sous-catégorie « Pour combler un besoin de dépassement, de défi, ... » a été ajoutée afin d'y regrouper, par exemple, des énoncés de motivation des répondants tels que « Pour me garder en forme mentalement ». Dans la catégorie MIEUX-ÊTRE SOCIAL, la sous-catégorie « Pour mon bien-être personnel » a été ajoutée à la liste d'origine. Cette sous-catégorie regroupe des énoncés de motivations tels que « Pour vivre une retraite épanouie » et « Pour vivre plus agréablement ».
La nouvelle échelle de motivations est présentée aux tableaux 2 à 6, à la section intitulée présentation et analyse des résultats.
En 1988, 4 902 personnes âgées de 55 ans et plus se sont inscrites à des cours offerts par la Direction de la formation à distance, du ministère de l'Éducation du Québec. Pour la présente étude, 300 sujets, soit 6,1% de d'ensemble des apprenants âgés, ont été retenus, en sélectionnant les 17 premiers noms (par ordre chronologique d'inscription) des apprenants de chacun des secteurs1 de cours offerts à la D.F.D. Lorsque, dans un secteur, le nombre d'apprenants était inférieur à 17, toutes les personnes inscrites étaient retenues pour les fins de l'étude. Pour éviter une représentation trop forte dans le secteur « Techniques de la santé », qui comptait 3 981 inscriptions, les 87 premiers noms ont été retenus, ce qui représente 2,2 % des inscriptions de ce secteur et 29 % de l'échantillon de l'étude.
Un questionnaire accompagné d'une lettre d'explication et d'une enveloppe de retour fut expédié par la poste aux 300 sujets de la recherche. Le questionnaire comportait deux parties. Dans la première partie, on leur demandait d'identifier leurs motivations à étudier à distance; dans la seconde partie, on leur demandait d'indiquer, par ordre décroissant d'importance, leurs cinq principales motivations. Pour aider les répondants à saisir le sens des questions, un exemple de motivation non associée à la formation à distance leur était présenté.
Ce premier envoi permit de recueillir 90 questionnaires, dont 11 durent être annulés. Une lettre de rappel, expédiée un mois plus tard, permit de recevoir 58 autres réponses, dont six furent annulées, car elles ne se conformaient pas aux critères admissibles des réponses. Ainsi, 131 personnes, soit 43,7 % des sujets de l'échantillon, ont répondu au questionnaire.
Les informations sur les caractéristiques des répondants (âge, sexe, profession ou métier, etc.) ont été obtenues du fichier de l'ordinateur central du ministère de l'Éducation, à Québec. Deux dossiers parmi les 131 ont été annulés faute d'informations suffisantes au fichier. Ainsi le nombre total de répondants était de 129, soit 43 % de l'échantillon sélectionné.
Les données recueillies nous permettent de mieux connaître les apprenants âgés inscrits à des cours à distance (voir Boisvert & Dessaint, 1989).
Nous constatons tout d'abord que sur 129 répondants, les femmes sont plus nombreuses que les hommes (71 femmes, soit 55 %), bien que l'écart entre ces deux groupes de répondants soit peu élevé. La catégorie des personnes âgées de 55 à 59 est la plus représentée (36, soit 4 %), suivie par celle des 60 à 64 ans (27, soit 9 %) et celle des 65 à 69 ans (21, soit 7 %).
Cutress et al. (1983) expliquent que la différence entre les deux sexes quant à l'espérance de vie : 68 ans chez les hommes contre 76 ans chez les femmes, fait que, au fur et à mesure qu'on avance en âge, la population féminine dépasse la population masculine. Dans le groupe des plus de 65 ans, on compte, rapportent-ils, trois femmes pour deux hommes. Citant une recherche faite au Royaume-Uni en 1977, ces mêmes chercheurs observent que la faible différence dans le nombre d'inscriptions chez les hommes et chez les femmes, que nous avons également relevée dans notre recherche, ainsi que pour l'ensemble de toutes les personnes inscrites à la D.F.D. durant l'année 1988–1989, masque ce qui est, en réalité, une proportion fortement grandissante d'hommes inscrits à des cours.
Il faut noter toutefois que pour l'ensemble de toutes les personnes âgées de 55 ans et plus inscrites à la D.F.D. durant l'année 1988 (4 920), les femmes étaient beaucoup plus nombreuses (68,5 %) que les hommes, ceci étant dû au nombre élevé de femmes inscrites à un cours de gérontologie.
La moitié des répondants (50,4 %) déclarent ne pas avoir de profession, tandis que la majorité des autres précisent leur appartenance professionnelle : techniciens-semi-professionnels (13,2 %), professionnels (9,3 %), employés de bureau, de service ou vendeurs (7,0 %), ouvriers spécialisés (6,2 %).
Si l'on s'interroge sur la provenance géographique des répondants, on constate que près de la moitié (57 personnes ou 44,2 %) d'entre eux proviennent de la région de Montréal, Laval, Laurentides et Lanaudière. Suivent la région de Québec (17,5 %) et celles du Bas-St-Laurent et de la Gaspésie (10,9 %). Cette proportion est sensiblement la même que celle que nous avons observée pour l'ensemble des personnes inscrites à la D.F.D. en 1987–1988 (respectivement 54 %, 17 % et 4 %).
Plusieurs répondants (48,8 %) n'ont pas donné leur scolarité. Ce pourcentage se rapproche de celui des personnes qui n'ont pas donné de profession, soit 50 %. Des 66 répondants dont il a été possible de connaître la dernière année d'études réussie, 26, soit 20,1 % de l'échantillon, ont fréquenté l'université, 5,4 % ont fait des études collégiales, 19,4 % des études secondaires, et 6,2 % des études primaires. On remarque que durant l'année 1988–1989, l'ensemble des étudiants inscrits à la D.F.D., y compris l'ensemble des personnes âgées, étaient plus scolarisés que les sujets de la recherche : 40 % environ étaient de niveau collégial ou universitaire, alors que 31 % avaient terminé seulement leurs études secondaires. Plus des deux tiers des répondants (66,7 %) se sont inscrits à un seul cours, tandis que 24 répondants (18,6 %) se sont inscrits à deux cours et 16 répondants (12,4 %) à trois cours.
Hoffman (1974) fait remarquer que les personnes qui se préparent à la retraite ou qui viennent d'y entrer ressentent le besoin de suivre des cours qui les aident à la fois à se réorienter face à leurs nouvelles conditions de vie et à réexaminer leur nouveau rôle dans la société. Dans un article portant sur les nouvelles perspectives en matière de formation des adultes, Long (1987) relève que les adultes âgés de 60 à 64 ans suivent plus de cours techniques, professionnels et administratifs, ou traitant de sécurité, que les autres adultes; par ailleurs, les adultes plus âgés (70 ans ou plus) s'inscrivent en plus grande proportion à des cours de religion et de services civiques et publics. Pour sa part, Sheppard (1981) constate que l'adulte âgé est plus intéressé par des cours qui, reliés aux aptitudes, à la compétence et à la connaissance, soient capables d'améliorer sa vie familiale, sa santé, son activité professionnelle et sa compétence technique.
Le indique dans quel secteur les répondants ont suivi leur premier cours durant l'année 1988. On peut voir qu'un nombre important de répondants (27,1 %) se sont inscrits au cours de gérontologie et qu'après ce cours du domaine de la santé, c'est aux cours d'électrotechnique, de français et d'administration, commerce, et secrétariat qu'ils se sont le plus inscrits : 7,7 % pour chacun de ces secteurs.
Les 129 questionnaires que nous avons reçus et conservés pour la recherche ont permis de recueillir 549 énoncés de motivation. Tous ces énoncés ont été classés, par trois juges, dont les deux auteurs de la recherche, dans l'une ou l'autre des catégories et des sous-catégories de l'échelle adaptée, selon le sens des énoncés. Pour obtenir l'importance relative des motivations (leur poids), les résultats ont été pondérés, en attribuant 5 points à la motivation identifiée comme étant la plus importante par le répondant, 4 points pour la motivation suivante, 3 points pour la troisième motivation, et ainsi de suite jusqu'à la cinquième motivation, qui se voyait attribuer un point.
Nous présentons maintenant les motivations des répondants, sous forme de tableaux. Les motivations sont classées par ordre décroissant d'importance, en nombre (N) et en pourcentage (%). Le % est indiqué par rapport au total des énoncés de motivation de la catégorie et par rapport à l'ensemble de tous les énoncés de motivation (549). Pour chacune des motivations, le poids attribué par les répondants a été inscrit, en nombre et en pourcentage.
Catégorie A : motivations reliées à la fuite/stimulation:
La catégorie FUITE/STIMULATION est celle qui a recueilli le plus d'énoncés de motivation (51,7 %). Dans la recherche de Boshier et Riddell (1978), c'est cette catégorie qui a montré le plus haut degré de corrélation avec le besoin des personnes âgées de bien se préparer à cette nouvelle étape de leur vie, d'en être satisfaites et de s'y ajuster.
La motivation «Pour contraster avec ma formation antérieure» est celle de la catégorie FUITE/STIMULATION qui est la plus importante (35,5 %). Sur les 101 énoncés de cette sous-catégorie, 98 sont spécifiques au mode d'apprentissage (à distance).
Les trois autres motivations le plus importantes de cette catégorie : « Pour combler un besoin de dépassement, de défis,... », « Pour m'empêcher de végéter » et « Pour vaincre l'ennui » vont également dans le sens d'un changement profond dans la vie des personnes âgées. Ces quatre motivations représentent plus des quatre cinquièmes (83,3 %) des énoncés de motivations de FUITE/STIMULATION exprimés.
Ce sont, en majorité, les femmes (61,5 %) qui ont exprimé des motivations rattachées à cette catégorie. Par ailleurs, elles étaient parmi les plus âgées : seulement 15 % étaient du groupe des 55 à 59 ans; 16 répondants sur 39 étaient inscrits en gérontologie; enfin, c'est dans cette catégorie qu'on relève le niveau scolaire le plus bas : 25 % des répondants avaient fait des études secondaires et 10 % des études primaires.
L'inscription au cours de gérontologie, par une majorité de femmes, peu scolarisées, pourrait justifier la différence qu'on retrouve dans le nombre d'inscriptions des hommes et des femmes et dans la scolarité des sujets de la recherche, par rapport à l'ensemble des personnes inscrites à la D.F.D., en 1987–1988 (et même des personnes âgées).
Catégorie B : motivations reliées au mieux-être social
Trois motivations retiennent l'attention dans l'analyse de cette catégorie : « Pour mon bien-être personnel » qui représente à elle seule plus du tiers des énoncés de cette catégorie, « Pour améliorer mes habiletés à servir l'humanité » et « Pour mieux comprendre les relations humaines ». Ces trois motivations représentent, de manière regroupée, plus de 84 % des motivations reliées au MIEUX-ÊTRE SOCIAL. Les motivations de cette catégorie proviennent surtout des femmes (64,2 %), dont 15 % n'ont fait que des études primaires et 25 % des études secondaires.
Catégorie C : motivations reliées au contact social
Cette catégorie CONTACT SOCIAL est celle qui a recueilli le moins d'énoncés de motivation; ce qui n'est pas étonnant dans le contexte de la formation à distance. Toutefois, on peut voir que « Pour améliorer mes relations sociales » se démarque des autres motivations (66,6 %). Ceci s'explique par le besoin de plusieurs personnes âgées de briser leur isolement, ou de trouver de nouvelles connaissances pour remplacer celles qui disparaissent. Les cours suivis en formation à distance deviendraient donc un outil pour aider la personne âgée à nouer de nouvelles connaissances plutôt qu'un moyen d'occuper sa solitude.
Catégorie D : motivations reliées à l'intérêt cognitif
Dans cette catégorie, trois motivations reliées à l'acquisition de nouvelles connaissances : « Pour l'attrait (l'intérêt) des connaissances », « Apprendre pour apprendre » et « Apprendre juste pour le plaisir d'apprendre », au total, 90,7 % de cette catégorie et 28,2 % de l'ensemble de tous les énoncés de motivation, viennent confirmer ce que les écrits nous ont appris : les adultes s'inscrivent généralement à des cours pour des raisons d'ordre cognitif.
Il est intéressant de noter que le groupe des répondants qui ont exprimé des motivations de cette catégorie était constitué d'un nombre égal de femmes et d'hommes et que la moitié d'entre eux étaient âgés de 55 à 59 ans.
Catégorie E : motivations reliées à l'avenir professionnel
« Pour devenir plus compétent(e) au travail » représente plus de la moitié (60 %) des énoncés regroupés dans la catégorie AVENIR PROFESSIONNEL. Le besoin, pour des personnes qui n'ont pas atteint l'âge officiel de la retraite, de s'adapter aux changements technologiques exigés par leur métier ou leur profession explique en grande partie cette motivation et le nombre de fois qu'elle est exprimée.
Tous les répondants âgés de 60 à 64 ans, ainsi que la majorité des répondants de 55 à 59 ans (87 %), ont identifié des motivations de cette catégorie. Les trois quarts d'entre eux sont des hommes, bien que ces derniers ne représentent que 45 % de l'ensemble des répondants.
Motivations les plus importantes
L'analyse du tableau précédent montre que quatre motivations se détachent significativement du groupe des motivations exprimées par les répondants. La motivation « Pour contraster avec ma formation antérieure » se classe au premier rang, suivie de « Pour l'attrait des connaissances », « Pour combler un besoin de dépassement, de défi » et « Apprendre pour apprendre ».
Ce résultat montre que, d'une part, les répondants s'inscrivent à des cours à distance pour changer et améliorer leur qualité de vie et pour relever des défis intéressants et, d'autre part, pour acquérir des connaissances.
A propos des motivations des personnes âgées, Long (1987) souligne que l'adulte âgé est beaucoup plus enclin à apprendre parce qu'il en a décidé ainsi, de son propre chef, et non parce que la société l'encourage à le faire ou s'attend à ce qu'il le fasse. Ce n'est pas la motivation sociale qui prédomine, et les résultats de notre recherche le confirment : on a pu voir que, dans l'ensemble, les personnes âgées suivent des cours, avant tout, pour contraster avec leur formation antérieure, pour acquérir des connaissances et pour augmenter leur confiance en elles-mêmes.
Par ailleurs, l'inclusion, dans le groupe des répondants, d'une d'âge, celle des 55 à 59 ans, révèle que, pour ces personnes, sont différentes : les apprenants qui n'ont pas encore 60 pour devenir plus compétents au travail.
Le tableau précédent montre que l'ordre d'importance des énoncés de motivation (N) est le même que celui qui a été attribué à leur poids. Ce tableau montre aussi que la moitié des apprenants âgés sont stimulés à s'inscrire à des cours à distance par des motivations de type FUITE/ STIMULATION et que le tiers environ le font par INTÉRÊT COGNITIF.
Bien que plusieurs recherches sur les personnes âgées aient montré qu'elles souffrent d'isolement, très peu de répondants ont suivi des cours à la Direction de la formation à distance pour des motivations de CONTACT SOCIAL; ce que d'autres recherches (Boshier, Boshier et Riddell, Sheppard, etc.) ont montré. Puisque les personnes âgées suivent surtout des cours pour des motifs d'ordre cognitif, on peut croire aussi que le mode de formation à distance qui leur est proposé est plus important, pour elles, que la recherche d'un contact social qu'elles peuvent probablement trouver ailleurs, dans leur communauté par exemple.
Dans un monde en perpétuelle mutation, changer et évoluer devient pour tous une question de survie, et cela est d'autant plus vrai pour les personnes âgées qui doivent apprendre à réorienter leurs projets et à réexaminer leur rôle dans la société. Pour les concepteurs de cours, l'éducation permanente ne doit donc pas être vue comme un moyen d'occuper agréablement le temps des personnes âgées, mais plutôt comme un instant privilégié de leur vie destiné à mieux les préparer à vivre cette étape de leur vie. Les résultats de cette recherche viennent confirmer cette affirmation.
Les écrits consultés, ainsi que les résultats de cette recherche montrent que les adultes, jeunes et âgés, qui suivent des cours traditionnels ou à distance le font surtout pour acquérir des connaissances (Intérêt cognitif). Par contre, ce que cette recherche nous apprend de nouveau, c'est que la formation à distance semble convenir aux personnes âgées et cela même si elle limite les contacts sociaux. La principale motivation à suivre des cours pourrait être la formation à distance elle-même!
Cette recherche nous apprend aussi que les personnes âgées suivent des cours à distance pour combler un besoin de dépassement et de défis. Cette nouvelle motivation, qui n'existait pas dans les échelles que nous avons utilisées pour bâtir la nôtre, semble liée à la formation à distance. Cette dernière leur permettrait d'aller au maximum de leurs capacités physiques et intellectuelles. Apprendre à son rythme, ne pas avoir à se déplacer, ne pas avoir à se comparer à des étudiants plus jeunes et peut-être plus en forme intellectuellement est assurément une grande source de motivation.
Les écrits consultés ont montré que les personnes âgées cherchent à vivre une retraite agréable et épanouie. Une nouvelle motivation, mise en évidence par la recherche, « Pour mon bien-être personnel » vient confirmer cette affirmation. L'inscription au cours de gérontologie, par les répondants plus âgés, est probablement un moyen de satisfaire ce besoin. La formation à distance permettrait donc aux personnes âgées d'atteindre plus facilement cet objectif de bien-être que les cours traditionnels. Ces derniers ont en effet souvent l'inconvénient de les obliger à se déplacer et à s'astreindre à un horaire et un rythme de travail qui ne leur conviennent probablement pas, compte tenu de leur âge et de leur état de santé.
Quant aux motivations liées à l'âge, cette recherche nous apprend aussi que la catégorie des 55 à 59 ans, constituée surtout d'hommes assez scolarisés, choisit encore des cours reliés à l'avenir professionnel. Cette catégorie se distingue des apprenants plus âgés, surtout des femmes, moins scolarisées, dont les intérêts sont plutôt associés au bien-être.
Il y aurait lieu de repenser la gamme de cours offerts aux personnes âgées, en tenant compte des besoins de ce nouveau groupe des 55 à 59 ans, c'est-à-dire en offrant des cours qui permettent, non plus seulement d'agrémenter cette période de la vie marquée par le choc d'une soudaine inactivité, mais d'enrichir les années qui la précèdent et la préparent.
Même si les résultats de cette recherche sont limités parce que les sujets ne sont représentatifs que d'un groupe particulier d'apprenants âgés du ministère de l'Education du Québec, ils ont permis, pour la première fois, de bâtir une échelle des motivations des personnes âgées de 55 ans et plus qui suivent des cours à distance. Ils ont permis, en outre, d'enrichir l'échelle que nous avons adaptée de Boshier (1971 et 1977), Boshier et Riddell (1978) et Sprouse (1981) de deux nouveaux énoncés de motivation et de donner un ordre d'importance à toutes ces motivations.
Les avantages de la formation à distance pour les personnes âgées sont indéniables, mais il semble qu'on doit surmonter plusieurs obstacles pour suivre ces cours. Il serait bon de préciser la nature de ces obstacles pour augmenter la portée et l'efficacité des cours proposés à cette clientèle particulière d'apprenants.
1. La liste des secteurs est dressée au tableau 1.
Boisvert, D., & Dessaint, M. P. (1989). Profil des apprenants âgés en formation à distance. Dans les Actes du 8è congrès de l'Association canadienne pour l'étude de l'éducation des adultes (pp. 33–38). Ottawa : Université d'Ottawa.
Boshier, R. W. (1971). Motivational orientations of adult education participants : A factor analytic exploration of Houle's typology. Adult Education, 21(2), 3–26.
Boshier, R. W. (1977). Motivational orientations re-visited : Life-space motives and the education participation scale. Adult Education, 27(2), 89–115.
Boshier, R. W., & Riddell G. (1978). Education participation scale factor structure for older adults. Adult Education, 28(3), 165–175.
Cutress, N., Morrison, V., & Palmer, F. (1983). The older Open University student. Teaching at a Distance, 34, 28–34.
Dessaint, M. P. (1987). Avantages et inconvénients des rencontres de grand groupe dans des cours à distance (pp. 27–31). Thèse de doctorat, Université de Montréal.
Hoffman, D. H. (1974). University extension programming in the arts and humanities for the elder American. Studies in Arts Education, 16(2), 58–64.
Hough, M. (1984). Motivation of adults : Implications of adult learning theories for distance education. Distance Education, 5(1), 7–23.
Long, H. B. (1987). New perspectives in the education of adults in the United States (pp. 89–90). New York : Nichols.
Ministère de l'Éducation du Québec. (1988). Direction des cours par correspondance (Rapport annuel 1987–1988).
Northern Illinois University. (1984, September). Participation in learning activities by active older adults. Proceedings of the Midwest Researchto-practice Conference (p. 173). Northern Illinois University, DeKalb Collection of Continuing Education.
Sheppard, A. N. (1981). Older Americans : An untapped resource (pp. 39–42). Ohio : The Ohio State University, Vocational Education.
Sprouse, B. M. (1981). Community-based learning centres for older adults (Research Report). Wisconsin : University of Wisconsin-Madison.
Marie-Paule Dessaint a obtenu un doctorat en andragogie à l'Université de Montréal. Elle est responsable des secteurs sciences humaines, arts et santé à la direction générale de la formation à distance, au ministère de l'Éducation du Québec. Elle anime régulièrement des séminaires sur la conception et la rédaction de cours basés sur l'écrit en formation à distance.
Daniel Boisvert, Diplomé de l'Université de Montréal, Ph.D. (Sciences de l'Éducation), est professeur à l'Université du Québec à Trois-Rivières. Il supervise certains apprenants de la Côte-d'Ivoire inscrits à la Maîtrise en éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières et assume certains cours dans ce programme offert à distance à ces apprenants. Son projet de recherche actuel est la formation à distance selon un modèle à responsabilités partagées.